Le Roman de la Rose
Fol. 153v : Courtoisie implore son fils Bel-Accueil de secourir l'Amant en lui accordant le don de la Rose
Guillaume de Lorris et jean Meun, 1230-1280.
Parchemin. - 200 ff. - 350 x 250 x 35 mm
BNF, Manuscrits (Fr. 12595 fol. 153v)
© Bibliothèque nationale de France

Prend la parole Courtoisie
Et de sa voix la plus jolie
Tout d'abord dit à Bel-Accueil :
[ Enluminure ]
Courtoise qui parle à Bel-Accueil
Beau fils, j'ai senti moult grand deuil,
Au coeur j'ai moult grande tristesse eue
Que tant ayez prison tenue.
Celui-là brûle de mal feu
Qui vous avait mis en tel lieu !
Vous pouvez, Dieu merci, nous suivre ;
Car avec toute sa bande ivre
Dans les fossés est là gisant
Malebouche le médisant,
Et ne peut nous écouter mie.
Ne redoutez plus Jalousie ;
Pour elle certes on ne doit pas
Se priver de toute joie
Ni de mener très douce vie
De son amant en compagnie,
Surtout lorsqu'elle n'a pouvoir
De la chose entendre ni voir.
Elle n'a nul qui le lui dise
Et ne vous prendra par surprise,
Car les autres de tous côtés
Se sont enfuis épouvantés ;
Tous ces félons pleins d'audace
Ont vidé de l'enclos la place.
Beau très doux fils, pour Dieu, merci !
Ne vous laissez brûler ici :
Toutes trois, moi, Pitié, Franchise,
Nous vous prions que, sans remise,
Daigniez à ce loyal amant
Octroyer ce qu'il aime tant.
Dès longtemps pour vous il endure
Grands maux sans le moindre parjure.
Recevez, et tout ce qu'il a,
Le franc qui jamais ne trompa.
Voyez, jusqu'à son âme il offre ;
Pour Dieu, ne refusez telle offre,
Beau doux fils, mais le recevez,
Par la foi que vous me devez
Et par Amour qui s'en efforce
Et qui moult y a mis grand' force.
Toute chose Amour vainc, beau fils,
Tous les coeurs sous sa clef tient pris.
Virgile de même s'exprime
———
Par sentence fine et sublime.
Aux Bucoliques vous verrez
Qu'Amour vainc tout, si vous cherchez
En un seul vers tient sa sentence,
Et plus belle n'est, sans doutance.
Aussi doit-il être écouté,
Car il a dit la vérité.
Beau fils, secours, secours je vous demande
Pour cet Amant – Dieu vous amende !
La Rose en don octroyez-lui.
Ma dame, fait Bel-Accueil, oui,
De bon coeur je lui abandonne ;
Ses longs ennuis qu'il me pardonne
Et qu'il vienne ici la cueillir,
A nous deux seuls, tout à loisir,
Car il aime sans tricherie.
 
 

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