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La puissance du mythe arthurien
Le monde des fées

© University of Cambridge
Le roi Arthur dans la vallée d’Avalon
© University of Cambridge
Les fées constituent l’un des éléments les plus importants du merveilleux arthuriens. Ce sont des êtres surnaturels, femmes souvent fatales, dont les figures s’inscrivent dans le prolongement des nymphes et des déesses de l’Antiquité. Ces femmes aux pouvoirs étranges, les chevaliers en quête d’aventures les rencontrent dans les forêts obscures et profondes mais aussi dans les châteaux qui se dressent sur leurs routes. Bénéfiques ou malicieuses, elles dissimulent souvent leur nature sous les traits d’une vierge en détresse afin d’éprouver la bravoure et la vertu des chevaliers.
Parmi ces fées, Viviane joue un rôle éminent. D’origine celtique, la Dame du Lac, appelée Niniène ou Niniane dans les textes, incarne la traditionnelle fée des eaux. C’est elle qui enlève Lancelot nouveau-né pour le garder et l’élever dans son domaine du Lac, à l’abri du monde. Une fois celui-ci armé chevalier, elle gardera toujours un œil sur son protégé, qu’elle sauvera plusieurs fois de la folie.
L’origine des fées
L’apparition de Viviane dans le Lancelot en prose est l’occasion d’un développement à caractère historique sur l’origine des fées : « À cette époque, on appelait fées les femmes qui s’y connaissaient en charmes et en enchantement ; et en ce temps-là, il y en avait beaucoup plus en Grande-Bretagne que dans les autres pays. Le livre des histoires dit qu’elles connaissaient la valeur efficace des paroles, et les propriétés des pierres et des herbes, grâce à quoi elles conservaient jeunesse et beauté et disposaient d’autant de richesses qu’elles le décidaient. Et cela commença au temps de Merlin, le prophète des Bretons, qui possédaient toute la science qui peut venir des diables, et une partie de celle qui vient de Dieu. De ce fait, il était grandement redouté des Bretons, et si honoré que tous l’appelaient le saint prophète. Cette demoiselle dont parle le conte devait toute sa science en matière de magie à Merlin, et elle l’avait acquise par ruse » (Lancelot du Lac, 13e siècle).

L’enlèvement de Lancelot par Viviane, la Dame du Lac
III. Roman de Lancelot
Déposant le berceau sur l’herbe, non loin d’une étendue d’eau, la reine Hélène se précipite auprès du roi mourant. Quand, éplorée, elle revient vers Lancelot, une demoiselle serre l’enfant contre son sein. La reine l’implore de le laisser tranquille, ce pauvre petit, qui en ce jour a perdu et son père et sa terre ! Soudain, la jeune fille se lève ; elle s’avance vers le lac et disparaît avec l’enfant sous la surface de l’eau, laissant sur la rive la reine évanouie. Cette demoiselle du Lac est une fée, celle qu’on appelle Ninienne ou Viviane, l’amie de Merlin. C’est pour le sauver qu’elle a enlevé l’enfant. Elle va l’élever comme son propre fils, lui choisir les meilleurs maîtres, et faire de lui un chevalier digne du Graal. Pour le protéger, elle ne lui révèlera pas ses origines, il sera le « beau trouvé » qui doit se faire un nom par l’épreuve. Mais la reine sa mère ignore tout de ce destin et s’abîme dans la douleur.
La Dame du Lac se dresse au milieu d’un cours d’eau, tenant dans les bras le jeune Lancelot. Si la disposition des figures évoque la Vierge à l’Enfant, le cadre de la scène rappelle les origines de Viviane qui porte un voile, mais dont la robe rouge se détache nettement sur le bleu de l’eau et le vert du décor naturel. La violence de l’enlèvement s’efface au profit de l’impassibilité mystérieuse de la ravisseuse qui contemple l’enfant, dont le visage semble calme et serein. Le caractère énigmatique de l’enlèvement se reflète dans la gravité du visage de Viviane, concentrée sur l’enfant endormi. L’épisode est d’autant plus poignant qu’il est vu à travers le regard de la mère de Lancelot qui, sans deviner le caractère surnaturel de la scène, assiste impuissante au rapt mystérieux de son enfant. Elle sera ensuite rassurée sur le sort de son fils, mais demeure en ce moment dans la plus grande incompréhension et le plus grand chagrin. La représentation très figée de la Dame du Lac la montre tout à fait étrangère aux émotions humaines et à la situation dramatique de la reine. Elle ne répond pas un mot à la prière pathétique de la reine et ne se donne pas la peine de lui expliquer ses intentions.
L’univers terrestre, soumis aux aléas de l’histoire et des passions humaines, est ainsi mis à distance du monde protégé de la merveille et des enchantements auquel appartient la fée du lac. Arraché à sa mère dans des circonstances très inquiétantes, Lancelot est donc temporairement soustrait aux contingences du monde humain : il bénéficiera d’une enfance paisible sous la protection de la fée.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

La Dame du Lac retrouve Lancelot et le guérit de sa folie
III. Roman de Lancelot
Alors que la reine doute de lui, Lancelot fait un mauvais songe suscité par Morgane : il rêve que Guenièvre a pris un autre amant et ne souhaite plus jamais le revoir. Désespéré, Lancelot s’interdit de retourner à la cour et menace de se laisser mourir de faim. Mais la fée consent à le libérer s’il promet de quitter la maison d’Arthur. Alors qu’il se rend chez Galehaut en Sorelois, Lancelot s’abandonne à sa douleur, mangeant et dormant peu. Il perd vite toute raison, errant comme un dément, vêtu d’une simple chemise en plein hiver. La Dame du Lac finit par le retrouver en forêt de Tintagel, gisant dans un buisson. Elle l’emmène avec elle et le garde de longs mois avant qu’il guérisse, recouvrant force et beauté.
La Dame du Lac vient ici au secours de Lancelot et se charge de le guérir. Elle prend par le coude le malheureux qui erre comme un dément en chemise au beau milieu de l’hiver. Ne porter qu’une simple chemise, c’est ne plus avoir aucun statut à une époque où le vêtement est un important marqueur de la condition sociale. De même que ses emprisonnements, les absences causées par les crises émotionnelles que subit Lancelot constituent une forme de mort pour lui.
La folie de Lancelot, causée par sa passion amoureuse pour la reine, est un motif récurent du roman : l’aliénation du personnage entraîne toujours sa rupture avec la société, la dépossession de soi et la perte de son identité.
© Bibliothèque nationale de France
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Le texte cherche à rationaliser le merveilleux breton qui appartient à un imaginaire païen : les fées deviennent des femmes instruites en enchantement, connaissant les propriétés des herbes et des pierres. Elles tiennent leur science d’un apprentissage, comme tout autre savoir médiéval.
C’est parce qu’elles sont attirées par les pouvoirs magiques et la science de Merlin que Viviane et Morgane traversent la vie de l’enchanteur. Nées mortelles, elles deviennent savantes en suivant l’enseignement de Merlin, et peu à peu gagnent leur statut de fée.
La fée Morgane
La fée Morgane Morgane, ou Morgue, ou encore Nimüe, apparaît dans le Roman de Merlin comme la demi-soeur d’Arthur. Femme du seigneur Urien, sa beauté inspire de l’amour à Merlin. Elle apprend de lui les arts libéraux, puis la « nigremance », c’est-à-dire la magie, et utilise dès lors ses pouvoirs pour séduire et tromper les hommes. C’est Morgane qui invente le Val sans Retour, lieu où elle enferme les hommes infidèles. Fée guérisseuse et bénéfique dans certains textes, elle peut aussi détourner la magie et user de ses pouvoirs pour faire le mal, en particulier pour tendre des pièges et déshonorer les chevaliers de la Table Ronde. Parmi ses victimes, il y a surtout Lancelot, mais aussi le roi Arthur lui-même.

Arthur découvrant les fresques peintes par Lancelot chez Morgane
Perdu dans la forêt au retour du tournoi de Tanebor, le roi Arthur trouve refuge pour la nuit dans le palais merveilleux de sa sœur Morgane. Il découvre alors les peintures réalisées par Lancelot au cours de sa captivité chez elle. À l’aide des images et des inscriptions qui les accompagnent, Arthur passe en revue les premiers exploits chevaleresques de Lancelot et découvre sa relation avec la reine Guenièvre. Morgane lui explique comment Galehaut a favorisé le rapprochement des amants et comment Lancelot a exécuté ces fresques. Elle encourage Arthur à se venger cruellement des amants une fois qu’il les aura surpris en flagrant délit.
La chambre des images, en révélant à Arthur des scènes déjà connues du lecteur, en propose soudain, dans un écho pictural en grisaille, une relecture qui souligne l’opposition radicale du comportement de Lancelot avec les valeurs de la Table ronde : une mise en abyme annonçant la fin du règne.
© Bibliothèque nationale de France
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Morgane surprenant les amants dans le Val sans retour
Un jour, Morgane, la sœur d’Arthur, surprit un jour le chevalier qu’elle aimait dans les bras d’une autre demoiselle. Elle ensorcela les lieux et décida que tout chevalier passant en ce vallon serait condamné à y rester s’il a failli en amour. En vingt ans, deux cent cinquante trois chevaliers y sot restés avec leur maitresse, sans qu’aucun n’en puisse sortir. Ce val est pour eux « sans retour », jusqu’au jour où viendra les délivrer un chevalier au cœur doux et humble qui n’aura jamais failli en amour : Lancelot.
© Bibliothèque nationale de France
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Viviane et Merlin
Merlin rencontre Viviane, ou Niniène, alors âgée de douze ans, au bord d’une fontaine en Petite-Bretagne. Demoiselle chasseresse, avatar de la déesse Diane, elle est dans les textes des 12e et 13e siècles la fille d’un seigneur de Bretagne armoricaine. Merlin tombe éperdument amoureux d’elle et ne peut refuser d’enseigner son art et sa magie à la jeune fille sur sa demande. Celle-ci, en échange, lui promet de devenir son amie, mais lorsqu’elle apprend l’origine diabolique de Merlin, elle se méfie de lui et lui refuse son amour. Merlin, quant à lui, profondément amoureux, tout en prédisant sa perte, ne peut résister à son destin.
Grâce à Merlin, Viviane apprend comment endormir un homme contre sa volonté et comment utiliser un oreiller enchanté qui fait croire à celui qui l’utilise qu’il a eu des rapports charnels, comment enfin tracer un cercle magique qui pourra l’emprisonner. Viviane l’enferme ainsi dans une tour « sans mur et sans fer », par enchantement. Merlin est « enserré » dans cette prison invisible, et lorsqu’il se lamente, ce sont ses plaintes que l’on entend dans la forêt de Brocéliande. Selon certaines sources, c’est dans un tombeau que Viviane enferme Merlin.
Merlin apparaît dans ces épisodes comme un homme profondément attiré par l’amour, voire luxurieux. Dépossédé de sa magie, il se soumet à la volonté de Dieu mais ne disparaît qu’après avoir instauré le royaume d’Arthur et laissé au roi la tâche de représenter la Chrétienté.

« L’astucieuse Viviane était étendue aux pieds de Merlin »
© Bibliothèque nationale de France
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© Cl. Alain Amet

Merlin et Nimüe
Nimüe est l’autre nom donné à Viviane, la Dame du Lac, que popularise Sir Thomas Malory au 15e siècle. Burne-Jones met ici en scène l’envoûtement de Merlin par la fée.
© V&A Images/Victoria and Albert Museum, Londres
© V&A Images/Victoria and Albert Museum, Londres

Merlin immobilisé par Viviane
À la fin de l’Histoire de Merlin, l’Enchanteur disparaît pour avoir succombé aux charmes de Viviane, la jeune fille devenue fée parce qu’il a lui-même instruite en magie. Elle s’est servie des connaissances transmises par Merlin pour l’emprisonner dans un château d’air où il passera la fin de ses jours en sa compagnie. File-t-il un parfait amour à jamais ? Il existe plusieurs versions de la disparition de Merlin et de ses relations avec Viviane. Parfois, c’est une vision plus sombre de l’Enchanteur, aveuglé par un ardent désir pour Viviane et condamné par elle à une fin cruelle : l’ « entombement ». Ailleurs, c’est dans une demeure énigmatique, l’ « esplumoir », qu’il se retire à la fin de sa vie. Au-delà même de l’époque médiévale, l’histoire de Merlin se prête à toutes les réécritures, ce qui fait bien de l’Enchanteur un personnage mythique.
© Bibliothèque nationale de France
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