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La chevalerie arthurienne

Le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde
Le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde

Bibliothèque nationale de France

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Ancrés dans les valeurs de la féodalité, les romans arthuriens exaltent la chevalerie. Qu’il siège à la Table ronde ou erre en quête d’aventure, le chevalier aime la vertu, défend la justice et cherche la perfection morale au gré des aventures.

Des chevaliers venus de tous pays, attirés par la largesse du souverain et la gloire de sa cour, se rassemblent autour d’Arthur, à la recherche d’un idéal chevaleresque inégalé. Car la figure même d’Arthur, roi conquérant issu des récits celtiques, participe de l’idéal chevaleresque. Dans le Roman de Brut, Wace trace le portait d’un homme qui, comme tous les chevaliers, aime la prouesse, l’honneur, la vertu, mais surtout mérite « prix » et renommée. Peu à peu, dans les romans, la valorisation de la fonction guerrière se déplace du roi vers ses chevaliers : ceux-ci incarnent l’action guerrière et le roi se contente de la contrôler. Ainsi c’est vers la cour que sont envoyés tous les adversaires vaincus et faits prisonniers par les chevaliers et le roi a pour rôle de les réintégrer dans l’ordre social. Arthur laisse agir ses chevaliers : dans le Conte du Graal comme dans leChevalier de la Charrette, il ne combat pas et n’est plus que le garant de la justice et des lois, tandis que les chevaliers occupent seuls ou dans une relation de compagnonnage, le devant de la scène.

Le roi Arthur combat Frollo, le gardien de Paris
Le roi Arthur combat Frollo, le gardien de Paris |

© Bibliothèque nationale de France

Chrétien de Troyes (v. 1135-v. 1185)
Chrétien de Troyes (v. 1135-v. 1185) |

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Les chevaliers de la Table ronde

Dans l’imaginaire du Moyen Âge, les chevaliers de la Table ronde portent en eux toute une part de rêves et de légendes. C’est cet imaginaire, venu de récits celtiques anciens, qui a donné paradoxalement à la littérature romanesque française ses premières lettres de noblesse : les chevaliers arthuriens sont devenus les héros des premiers romans écrits en langue française dans la seconde moitié du 12e siècle. En inventant le roman de chevalerie dans les années 1170, Chrétien de Troyes donne un « sens » à cette « matière de Bretagne » : il justifie les exploits des chevaliers en proposant une éthique faite de mesure et de charité. Peintre de caractères autant que moraliste, il donne à ses récits une véritable profondeur psychologique, et démontre que, d’épreuve en épreuve, les héros se dépassent. Érec, Cligès, Yvain, Lancelot, Perceval illustrent cet idéal chevaleresque fait de prouesse et d’honneur. De roman en roman, ces chevaliers partent à la recherche d’aventures exceptionnelles. Leurs exploits rejaillent sur la cour arthurienne et lui assure joie et prestige.

Tout au long du 13e siècle, la littérature arthurienne se développe ensuite en fonction d’un jeu complexe de réécritures successives qui aboutit à la production d’un ensemble foisonnant de textes, d’une longueur extraordinaire, sans cesse complété, enrichi, passant des vers à la prose et surtout de plus en plus tiré vers une interprétation chrétienne.

Les récits sortis de la mythologie celtique sont à cette époque confrontés à une réflexion mystique sur l’existence et la justification de l’ordre de la Chevalerie : le chevalier devient alors un « soldat de Dieu ».

Lancelot du Lac. - Paris : Antoine Vérard, 1494
Lancelot du Lac. - Paris : Antoine Vérard, 1494 |

© Bibliothèque nationale de France

Un idéal chevaleresque empreint de valeurs spirituelles

L’invention de la Table ronde est le symbole même de l’idéal de la royauté arthurienne et de la reconnaissance de la chevalerie. En privilégiant ce motif, les auteurs arthuriens rappellent ainsi l’origine ancienne et merveilleuse de la royauté d’Arthur. Selon Wace, il s’agit pour le roi de prévenir toute querelle de préséance entre des chevaliers prêts à s’emporter et à se disputer la première place. La Table ronde institue une relation d‘égalité entre eux, mais aussi entre le roi et la communauté des chevaliers puisque aucune place n’est plus importante qu’une autre autour de cette table. Selon les textes, le nombre des places varie : de douze pour Robert de Boron – sans doute influencé par le souvenir de la Cène – jusqu’à… mille six cents pour Layamon au début du 13e siècle ! La Table ronde perpétue l’usage ancien celte selon lequel les guerriers étaient assis autour du roi ; mais les auteurs médiévaux se plaisent à lui donner un caractère universel en expliquant que la table est ronde parce qu’elle signifie la rotondité du monde. Les chevaliers de la Table ronde ont pour mission de rendre à la terre sa prospérité, de faire cesser les enchantements ou les injustices ; la Table ronde devient à elle seule l’expression la plus haute de l’idéal chevaleresque.

D’abord organisée sur le modèle féodal, l’institution de la Table ronde prend sa véritable signification lorsque les chevaliers sont lancés vers la quête de valeurs spirituelles. L’aventure du Graal en est la plus belle illustration. Le but de cette quête, c’est de parvenir à une forme de perfection morale et spirituelle, de renoncer aux valeurs mondaines et d’être parmi les élus qui rejoindront Dieu lors du Jugement Dernier. La chevalerie mondaine s’avère insuffisante pour apporter la paix et le bonheur au monde, et le héros de la Table ronde dans cette littérature médiévale tend à devenir un saint ; seul Galaad, admirable création des clercs du 13e siècle, y parviendra et, prédestiné entre tous les autres chevaliers, trouvera le Graal.

La Quête du Graal
La Quête du Graal |

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Le chevalier errant et l’aventure

Le chevalier fait partie d’une élite, mais il part le plus souvent seul, sans compagnon, quittant l’espace social de la cour pour l’inconnu. Il doit faire sans cesse la preuve de sa valeur et le fait de partir à l’aventure lui offre l’occasion, quel que soit l’adversaire qu’il rencontre, de montrer ce qu’il vaut.

Le romancier Chrétien de Troyes a donné à la chevalerie l’une de ses plus belles illustrations en créant le personnage du « chevalier errant ». Au début du Chevalier au Lion, Calogrenant part « en quête d’aventure, seul, armé de pied en cap, comme un chevalier doit l’être » (vers 174-175). Au paysan qui lui demande qui il est, il répond : « Je suis un chevalier qui cherche l’introuvable. Ma quête a duré longtemps et pourtant elle est restée vaine » (vers 356-368). Il ajoute qu’il cherche l’aventure pour mettre à l’épreuve sa vaillance et son courage : en fait il s’agit pour le chevalier de justifier son existence et sa place dans la société. Accomplissement personnel, l’aventure permet aussi de servir la communauté.

Le chevalier Calogrenant
Le chevalier Calogrenant |

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Méléagant défiant Arthur
Méléagant défiant Arthur |

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Parfois l’aventure survient à la cour : un défi (le Chevalier Vermeil insulte le roi, dans le Conte du Graal), un enlèvement (Méléagant enlève la reine Guenièvre, au début du Chevalier de la charrette) ou bien une jeune fille vient implorer secours (la demoiselle hideuse demande à un chevalier de venir au secours d’une jeune fille assiégée au mont Esclaire, dans le Conte du Graal). Un chevalier alors, avant les autres, se fait le champion de la cause à défendre et part au loin, traversant forêts, landes et plaines, pour accomplir l’aventure qui lui est réservée. Lorsqu’il revient après avoir réussi l’exploit attendu, il contribue à la joie de la Cour en racontant ses aventures avec force détails. Parfois l’aventure se présente au chevalier sur son chemin : Yvain délivre ainsi les jeunes filles enfermées dans le château de Pesme Aventure.

Arthur et Guenièvre fêtant le retour de Perceval et Perceval et la demoiselle hideuse
Arthur et Guenièvre fêtant le retour de Perceval et Perceval et la demoiselle hideuse |

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Quand l’aventure tarde à se manifester à la cour, celle-ci est morne et paralysée, perd son dynamisme et sa force. Le rôle du roi est alors de susciter de nouvelles aventures comme dans Érec et Énide : il suggère d’engager les chevaliers dans la chasse au cerf ou dans Jaufré où il fait monter les chevaliers à cheval afin de partir vers les aventures qui ne viennent pas à la cour.

Invention littéraire superbe, la recherche de l’aventure structure les romans arthuriens et le personnage du chevalier errant incarne un idéal chevaleresque liant la valeur individuelle et les aspirations profondes de la cour.

Les chevaliers de cuivre

Lancelot du Lac
Arrivant à la porte, [Lancelot] aperçoit deux chevaliers sculptés en cuivre. Chacun d’eux tient une...
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Yvain ou Le Chevalier au Lion
Yvain ou Le Chevalier au Lion |

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Provenance

Cet article provient du site Arthur, la légende du roi (2009).

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