Mon cœur mis à nu

Charles Baudelaire, entre 1859 et 1865

Manuscrits autographes, papier, 93 feuillets de tailles diverses montés sur 54 folios, 365 × 235 mm. Reliure signée Chambolle-Duru avec un ex-libris d’Auguste Poulet-Malassis
BnF, département des Manuscrits, NAF 19800, fragments 54 et 55 (fol. 30 du recueil)
© Bibliothèque nationale de France
Transcription :
 
30
54
Mon cœur mis à nu
 
Dans [la politique] <l’amour> comme dans presque toutes les affaires humaines, l’entente cordiale est le résultat d’un malentendu. Ce malentendu, c’est le plaisir. L’homme crie : « oh ! mon ange ! » La femme roucoule : « maman ! maman ! » Et ces deux imbéciles sont persuadés qu’ils pensent de concert. — Le gouffre infranchissable, qui fait l’incommunicabilité, reste infranchi.
 
55
Mon cœur mis à nu
 
Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si éternellement agréable ?
 
     parce que la mer offre à la fois l’idée de l’immensité et du mouvement. Six ou sept lieues représentent pour l’homme le rayon de l’infini. Voilà un infini diminutif. Qu’importe s’il suffit à suggérer l’idée de l’infini total ? Douze ou quatorze lieues (sur le diamètre) douze ou quatorze lieues de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idée de beauté qui soit offerte à l’homme sur son habitacle transitoire.