Adam et Eve chassés du Paradis terrestre

Gustave Doré, 1866

Illustration pour La Bible (Ancien testament)
Gravure sur bois d’Adolphe Gusman, d’après un dessin de Gustave Doré, fumé inédit
BnF, département des Estampes et de la Photographie, CC-34 (H)-Format 4
© Bibliothèque nationale de France
L’humiliation et la honte que dût ressentir Baudelaire après la condamation des Fleurs du Mal furent d’autant plus profondes qu’elles prolongeaient nombre de revers éditoriaux et financiers subis par cet homme vulnérable depuis qu’il avait décidé de se faire écrivain au sortir du lycée. Rappelons-nous les premiers vers de « Bénédiction », le premier poème des Fleurs du Mal, art poétique d’un damné :
« Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
Le Poète apparaît en ce monde ennuyé,
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié. »
 
L’œuvre de Baudelaire fait les beaux jours de la librairie aujourd’hui, mais lui-même vécut dans la misère. Ce fut seulement il y a une centaine d’années, autour de 1917, quand Les Fleurs du Mal entrèrent dans le domaine public cinquante ans après la mort de leur auteur, qu’un certain consensus commença d’émerger pour reconnaître en lui un grand poète, le successeur de Racine aux yeux de Proust ou de Valéry. L’artiste maudit, marginal de son vivant, devenait un monument national, après un renversement absolu.