Explorations
Les arpenteurs du rêve

La bande dessinée a aussi ses francs-tireurs, ses auteurs inclassables qui creusent leur sillon entre féerie et humour, onirisme et poésie. Jean-Claude Forest en France ou Max en Espagne se plaisent  à imaginer des univers parallèles, n’obéissant à aucune autre loi que celles de leur inspiration, de leur désir. Parler de bande dessinée poétique serait peut-être trop dire, mais il s’agit assurément d’œuvres portées par une ambition littéraire, fécondée souvent par les mythes ou la psychanalyse, et où l’intrigue importe moins que ses résonances sensibles. En fin de compte, il s’agit toujours d’effectuer un retour vers l’enfance ou, tout au moins, de prolonger une certaine capacité d’émerveillement et d’invention.
  
La voie romanesque

La bande dessinée contemporaine d’auteur, tels le Français Loustal ou le Suisse Cosey, s’est partiellement affranchie des formats prédéfinis. Elle tourne de plus en plus le dos aux séries traditionnelles, qui orchestrent l’éternel retour des mêmes personnages, pour privilégier des récits uniques, souvent de plus grande ampleur, que l’on désigne désormais comme des " romans graphiques ". Les schémas de l’aventure classique cèdent la place à d’autres ambitions narratives ; le récit admet des structures plus complexes, des digressions, de la psychologie, et accorde une grande importance à l’esprit des lieux. En prenant son temps, il donne aussi à l’image la possibilité de se libérer un peu des servitudes narratives pour s’attacher aux atmosphères et déployer sa propre puissance d’évocation.
  
Mondes intérieurs

L’introspection, l’autobiographie, la spéculation métaphysique, la réflexion sur la création ont désormais droit de cité dans la bande dessinée, comme en témoignent des auteurs tels Pazienza, Baudoin, Mattotti ou McKean, qui ont su forger chacun une écriture graphique moderne et personnelle. L’impalpable, l’imperceptible, l’invisible, toute la gamme des réalités immatérielles que l’on avait longtemps crues interdites au neuvième art affleure dans des constructions narratives très libres, association de fragments, collages, solos d’improvisation graphique. Cette démarche puisant à la source de l’intime ouvre sur une nouvelle poétique de la bande dessinée.