Héros reporter
  



Avec l’apparition de Tintin en 1929 naît le mythe du reporter pourfendeur du Mal et défenseur de la veuve et de l’orphelin. Héritier à la fois des Rouletabille littéraires et des boy-scouts, Tintin est un héros pétri de morale chrétienne et épris de justice. Son statut de reporter lui permet de rester libre, indépendant et pacifique (contrairement au policier ou au détective, il ne porte pas d’arme). Dans la tradition d’Albert Londres ou de Joseph Kessel, il voyage partout dans le monde et entraîne ses lecteurs dans nombre d’aventures exotiques.
Dans son sillage, toute une génération de reporters bien-pensants et intrépides voit le jour, de Guy Lefranc à Marc Dacier. Suivant dignement les traces du toujours infatigable Tintin, ils poursuivent tous la même quête : que triomphent Vérité et Justice ! Dans la même veine, Blake et Mortimer, même s’ils occupent officiellement d’autres emplois, s’acharnent eux aussi à combattre les forces du Mal . En fait, les distinctions entre les " métiers " sont assez floues et la fonction de reporter est davantage prétexte à laisser sa liberté d’action au héros qu’à lui donner un statut bien défini. Ce qui importe, c’est son caractère courageux et généreux. Qui se rappelle avoir vu Tintin la plume à la main ou l’appareil photo sous le bras ? On peut d’ailleurs remarquer que les quelques figures de journalistes qui apparaissent dans Tintin sont souvent tournées en dérision, que ce soit Jean-Loup de la Batellerie et Walter Rizotto, respectivement reporter et photographe à Paris-Flash (L’Île noire, Les Bijoux de la Castafiore et Tintin chez les Picaros), ou Gino, journaliste à Tempo di Roma (Bijoux et Picaros).

Cependant, d’autres figures de reporters-détectives vont peu à peu donner du plomb dans l’aile au héros justicier : Tintin se fatiguerait-il ? À la fin des années soixante, le manichéisme n’est plus de mise : les gentils ne sont plus si bons ni les mauvais aussi méchants ; l’héroïsme descend de son piédestal : c’est le cas pour Phil Perfect, reporter plus ou moins alcoolique à Paris-Presse, qui abandonne le journalisme pour plus " d’aventure(s) ". Mais le mythe a la vie dure et, si le reporter n’a plus la même aura qu’il y a vingt ans, on trouve encore de dignes représentants de l’ère " hergéenne " avec le mélancolique Théodore Poussin et la très charmante Jeannette Pointu.

La lutte contre les forces du Mal

Ce qui justifie l’existence du héros reporter, c’est la lutte infatigable qu’il mène contre les méchants qui font peser de lourdes menaces sur la société voire sur la planète… Mais parfaitement irréprochable et chevaleresque, il ne se bat qu’en état de légitime défense.
Si chez Tintin, les figures du Mal sont en général incarnées par des malfaiteurs sans scrupules (trafiquants ou contrebandiers), elles prennent une autre ampleur chez Lefranc et chez Blake et Mortimer avec les infâmes Axel Borg et Olrik, qui ont de plus une diabolique tendance à ressusciter !
  

Sur la piste des méchants
  

1929 : Tintin, reporter au Petit Vingtième, est envoyé conquérir les " Soviets " (Hergé).
1947 : un responsable des services secrets britanniques, Blake, accompagné de son ami Mortimer, professeur de physique nucléaire, combat les " jaunes " à bord de " l’Espadon " (Edgar P. Jacobs, dans le journal de Tintin).
1952 : Guy Lefranc, reporter en free-lance, accompagné de son fidèle Jean-Jean, affronte le redoutable bandit Axel Borg (Jacques Martin, puis Chaillet).
1955 : le jeune gamin futé Ric Hochet débute comme vendeur de journaux à La Rafale avant d’y devenir le journaliste renommé à l’éternelle gabardine couleur mastic (Tibet et Duchâteau, dans le journal de Tintin).
1956 : Jacques Flash, journaliste au quotidien Les Dernières, se lance à la poursuite de l’homme invisible (Pierre Leguen et Georges Rieux dans le journal Vaillant).
1958 : petit journaliste de faits divers au Carillonneur de Papayoux-les-Fossés, Marc Dacier deviendra grand reporter à L’Eclair. Toujours couvert de son petit bonnet vert et vêtu de son blouson marron, il se lance à la recherche de " l’abominable homme des Andres " (Charlier et Paape, dans le journal de Spirou). Il se transforme en Guy Lebleu lorsque Charlier passe à Pilote et, dans la même lignée, on trouve… Charlier, héros de Allo DMA (Dix Millions d’auditeurs de Radio-Luxembourg).
1981 : Théodore Poussin, petit frère taciturne de Tintin, part à la recherche de son passé (Frank Le Gall).
1982 : la reporter photographe Jeannette Pointu, vit des aventures trépidantes sur tous les points chauds du globe (Marc Wasterlain dans le Journal de Spirou).