Héros
de science-fiction
  



Dans les années 1930, les héros des premières BD de science-fiction sont les américains Buck Rogers, Brick Bradford et Flash Gordon. Adeptes des voyages spatio-temporels, ces musculeux aventuriers explorent l’espace à bord de leurs astronefs. Les Européens les imitent dans des conflits interplanétaires (Futuropolis, de Pellos et Martial Cendres, Les Pionniers de l’Espérance, de Raymond Poïvet et Roger Lécureux). Mais dans les années cinquante, le ton change. En plein âge d’or, la littérature de Science Fiction enrichit la panoplie de ces sauveurs de l’univers : psychologie tourmentée, décors élaborés, costumes inédits, extra-terrestres omniprésents. Et alors qu’aux États-Unis les super-héros rassurent toujours les lecteurs, les héros européens, dépourvus de pouvoirs surnaturels, livrent leur angoisse du nucléaire, de la dictature, des manipulations génétiques, etc. Les années 1970 voient les personnages se battre en faveur du pacifisme, de l’écologie, de l’égalité entre les races, du féminisme. La fondation en 1975 de Métal hurlant, journal d’abord consacré à la Science Fiction, marque l’apparition de nouveaux talents.
La science-fiction est un genre qui compte de nombreuses " galaxies ". On distingue le space opera (épopée intergalactique), l’heroïc fantasy (chronique des temps barbares, riche de sortilèges et de malédictions), le polar Science Fiction, la saga mystique, la politique-fiction, ou encore l’anticipation scientifique à la Jules Verne.

Le héros face à son double 



Le héros de science-fiction participe souvent du mythe de l’éternel retour : non seulement il est le sujet de plusieurs albums, mais il revient parfois, après un long parcours initiatique, à son point de départ. Sans devenir immortel, faculté laissée aux dieux anthropomorphes et manichéens, il peut vivre l’expérience douloureuse d’une rencontre avec son double et connaître une multiplication - parfois dramatique, parfois comique ? de sa présence, symptomatique de ce don d’ubiquité constitutif du héros de BD. Barbarella (Jean-Claude Forest, 1964), rencontre la Méduse, qui au lieu de la pétrifier, copie son visage pour capter sa jeunesse. Nikopol (Enki Bilal, La Foire aux Immortels), retrouve son fils, qui, par un paradoxe temporel, est son jumeau. Nike (Le Sommeil du Monstre) croise son clone. John Difool doit faire face à des millions d’enfants à son image, entre deux expériences de métamorphose. Car le héros peut subir des modifications physiques aussi variées que ses voyages dans le temps et l’espace.

Une cité en terre et ciel

La ville est un passage obligé pour le héros, très sensible à son ambiance. Au long de ses dix-sept aventures, Valérian parcourt près de soixante cités, sans compter " Point Central ", la station spatiale cosmopolite. Dans Les Murailles de Samaris, François Schuiten, issu d’une famille d’architectes, et Benoît Peeters montrent leur héros errant à l’intérieur d’une ville où les maisons s’avèrent être des toiles peintes et les habitants des trompe-l’œil. Philippe Druillet, surnommé " l’architecte spatial ", bâtit des citadelles baroques pour des habitants multiformes. Quant à Enki Bilal, il semble pétrifier ses héros à l’image de ses villes en ruines, où flottent des brumes évanescentes.
  

La conquête de l'espace en quelques dates
  

1954 : pilote de la Royal Air Force, Jeff Hawke, à bord d’un avion supersonique, percute une colonie d’extra-terrestres (Sydney Jordan).
1964 : Christopher Cavallieri et Valérie Haurèle sortent de leur hibernation pour affronter des rats volants et télépathes (Paul Gillon et Jean-Claude Forest, Les Naufragés du temps).
1967 : Valérian, agent spatio-temporel, lutte, avec sa compagne Lauréline, contre les pirates du voyage dans le temps (Jean-Claude Mézières et Pierre Christin).
1970 : Lone Sloane, baroudeur solitaire aux yeux rouges, vagabonde dans l’espace inter-galactique à la recherche de la planète Terre (Philippe Druillet).
1973 : Axle Munshine, diplomate plénipotentiaire, franchit illégalement la porte des rêves (Christian Godard et Julio Ribera, Le Vagabond des limbes).
1980 : John Difool, minable et maladroit détective privé de classe R, est réquisitionné par l’Incal-Lumière pour défier la Ténèbre (Moebius et Alexandro Jodorowsky).
1980 : le dieu Horus investit la personne d’Alcide Nikopol (Enki Bilal, La Foire aux Immortels).
1987 : le tailleur de pierre Giovanni trouve une passerelle entre notre monde et celui des cités obscures (François Schuiten et Benoît Peeters).