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La bande
son
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À l'origine, la lecture des
livres manuscrits, psalmodiée, s'effectuait à voix haute. À la fin du Moyen Âge, une
pleine maîtrise de la lecture silencieuse était acquise. Mais les enlumineurs ont
cherché à animer leurs images par une expression sonore pour leur conférer une plus
grande force narrative. Si les phylactères de dialogue sont courants, les exemples de
sons transcrits dans l'image sous une forme plus originale, onomatopées ou symboles
graphiques, se limitent à quelques dizaines d'exemples sur plusieurs centaines de
milliers d'images. Le phénomène est pourtant d'importance : dès les IXe -
XIIe siècles, on retrouve dans les images la plupart des conventions du son
redécouvertes par les auteurs de bandes dessinées et encore employées de nos jours.
Cependant, les phylactères peuvent nêtre que de simples étiquettes qui ne
reproduisent pas la parole
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Bouche
fermée
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En règle générale, les
protagonistes mis en scène dans les images médiévales, miniatures ou peintures,
s'expriment bouche fermée, plus rarement bouche ouverte, sans qu'aucun signe ne manifeste
le fait qu'ils parlent, crient ou prient. Même lorsque l'enlumineur dessine un
phylactère, celui-ci s'échappe des lèvres closes de l'émetteur.
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Les artistes ont cependant
transgressé la règle du visage impassible dans certaines circonstances. La haine se
traduit par le rictus ouvert sur la barrière des dents, le cri de désespoir et la
souffrance par une bouche largement ouverte. C'est le cas des femmes en train d'accoucher
dans un livre de médecine du XVe siècle, (Paris, BNF, ms lat 16169), ou
du chant, dans la célébration de la messe ou de l'office des morts, par exemple. Mais ce
cri est silencieux : ni le son ni parole ne sont matérialisés par un quelconque signe
graphique. Seuls les sentiments forts et les sons puissants - hurlements, chant,
" voix " apocalyptique, dernier cri du mourant - peuvent susciter la
rupture avec la tradition.
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Mais sortis des arts
" officiels ", les artistes n'hésitent plus à figurer le son issu
d'une bouche ouverte. Ainsi en est-il, au XVe siècle, de la caricature ou du
dessin humoristique, si nombreux sur les manuscrits ordinaires (registres de compte) et
sur les murs des prisons ou des châteaux médiévaux. Sur le site du château de
Mehun-sur-Yèvre, où uvraient les célèbres frères Limbourg pour le compte du duc
Jean de Berry, une des ardoises, alertement gravée, montre une femme nue, debout et
jouant de la harpe. De sa bouche ouverte sort un phylactère aujourd'hui illisible, mais
dont on imagine bien qu'il retranscrit les paroles de son chant. Or, la même image, mais
sans phylactère ni bouche ouverte, se retrouve justement dans les décors de marge de
l'un des livres d'heures du duc...
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La
puissance de la voix
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Ainsi, en règle générale, et
pour quelques siècles encore, les acteurs d'une image parlent avec les mains et la bouche
fermée, souvent même sans concrétiser la parole ni par un phylactère ni par un autre
procédé. C'était un choix volontaire puisque les artistes avaient à leur disposition
tout un arsenal de conventions graphiques, dont certains ont d'ailleurs amplement fait
usage. L'un des procédés, peu connu, est l'emploi de la couleur pour manifester la
puissance et le volume du son. Un fil de couleur rouge peut ainsi symboliser la force de
la voix, comme dans une Divine Comédie de Dante, manuscrit italien où la voix de
David jaillit hors du bec de l'aigle qui apostrophe l'auteur au paradis. Quelquefois, la puissance de la voix est figurée métaphoriquement
par un objet, en raison de son volume sonore ou de son caractère maléfique. La mauvaise
parole peut ainsi s'exprimer sous la forme d'un instrument de musique.
À ces divers systèmes était cependant préféré celui de
la retransmission en toutes lettres des paroles émises, sans doute pour que le
" lecteur " de l'image manuscrite puisse mieux en saisir la teneur.
Deux procédés ont été utilisés : celui du phylactère et celui des lettres
s'échappant librement dans le fond de l'image.
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