Diversité des supports

Le récit en séquences a également gagné les ivoires et l'orfèvrerie (châsses, reliquaires, retables), les coupoles des basiliques (Saint-Marc de Venise, dôme de Florence...), et les vitraux des cathédrales, qu'il faut cependant examiner avec circonspection avant de les rapprocher de la bande dessinée.


Les vitraux

Le rôle du vitrail dans l'histoire du récit en séquences d'images est extrêmement limité dans le temps. Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, on n'utilise pratiquement plus les techniques narratives. Il faut pourtant conserver parmi les antécédents de la bande dessinée les vitraux de la Sainte-Chapelle, à Paris, bien qu'ils soient hors de portée de lecture à l’œil nu. Ceux de la cathédrale de Chartres racontent également des histoires mais culminent à douze mètres de hauteur ! Et sur une même verrière, l'œil distingue difficilement les parties ornementales des parties narratives. Si certains vitraux sont illisibles, l'intention des concepteurs relève pourtant bien de la narration figurée, sans pour autant qu'aucune cohérence puisse être décelée dans le déroulement du récit. D'autres présentent un déroulement cohérent, leur lecture s'effectuant du bas vers le haut pour que l’œil puisse du moins, à douze mètres de distance, accrocher le début de l'histoire. Le sens de lecture s'effectue en zigzag, en epsilon voire en boustrophédon. Seuls les clercs, pouvaient décoder ces lectures erratiques si différentes de celle d'un livre. On imagine que le peuple, ignorant déjà la lecture des livres, perdait vite le fil de ces récits complexes...



Les retables

D'autres supports artistiques s'avéraient de lecture plus facile au commun des mortels. Dès le XIIIe siècle, en Italie, des tableaux figurant des vies de saints ont recours au récit séquentiel. Ce sont des retables, dont les dimensions augmentent avec le temps au point d'atteindre, au siècle suivant, plusieurs mètres de long. C'est le cas, au début du XIVe siècle, du retable de la Maestà, de Duccio di Buoninsegna (Sienne, Museo Opera del Duomo). Le revers de ce tableau, daté de 1311, ne comporte pas moins de vingt-six cases, disposées en quatorze espaces rectangulaires divisés chacun en deux registres, à l'exception d'images centrales, uniques parce qu'importantes, telle la Crucifixion. Mais les fidèles ne peuvent le voir : il est tourné vers les prêtres ! Paradoxalement, la fortune de ces tableaux compartimentés constitue une décadence.