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Les
phylactères
Le phylactère est souvent présenté comme l'ancêtre
de la bulle de bande dessinée. Ce n'est pas faux, même si les phylactères ont
également d'autres fonctions que l'émission du son. La plupart d'entre eux ne sont que
de simples étiquettes, identifiant les personnages ou les premières lignes de leur
message, voire leur signature. Ils peuvent encore expliciter le sujet de l'image :
dans les Heures de Rohan, au début du XVe siècle, Dieu tient en main
un phylactère où est écrit : " Ici, (Dieu) créa la terre et le
ciel ".Contrairement à la perception
moderne de l'émission du son, l'homme médiéval ne rattache pas nécessairement la
parole à la tête de celui qui s'exprime. Le phylactère peut être rattaché à la main
- on s'exprimait beaucoup par gestes - ou même sortir directement des doigts,
voire des épaules ou des genoux si le personnage tourne le dos. Même les oiseaux
tiennent leur phylactère entre les serres. Et lorsque l'espace de l'image est encombré
abusivement par des phylactères, ceux-ci se rattachent n'importe où, du moment
quils touchent de près la personne qui parle ! Cependant, la tête demeure
symboliquement le lieu par excellence de lémission du son, comme le démontre la
représentation de la " voix " de l'ange de l'Apocalypse, dans un
manuscrit flamand du XVe siècle : un visage ou une tête coupée, de
profil, enfermée dans une cage comme un perroquet, la bouche ouverte d'où sortent les
paroles... |
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Les
phylactères - bulles Les vrais
phylactères-bulles se reconnaissent au contenu du texte et à la forme grammaticale
utilisée. Dans certains manuscrits, l'emploi de la première personne du singulier ou de
l'impératif en font de véritables bulles de son.
Dans le contexte de la création du monde, Dieu dit
alors : " Je crée la terre et le ciel ". Jésus, prêchant à
ses disciples, émet un phylactère où est inscrit " alez et preschiez le saint
évangile a tout le monde ". Il s'agit bel et bien de paroles énoncées à voix
haute. Dans les Heures de Rohan, à l'Office des morts, Jésus s'adresse en
français au mourant de l'image et lui dit : " Pour tes peschiez pénitence
feras, au jour du Jugement avecques moy seras ". On peut se demander si, par le
phylactère, l'artiste ne s'adresse pas au lecteur réel du manuscrit comme cest
vraisemblablement dans le cas de l'image de dédicace des Lamentations et Réponses à
Charles VI de Pierre Salmon, au XVe siècle : genou à terre devant le roi,
l'auteur lui tend son ouvrage en lui disant, dans un phylactère qui surgit de sa main,
" Viscera tua replebuntur volumine isto " (tes entrailles seront
rassasiées par ce livre). Plutôt qu'un dialogue imaginaire entre deux personnages d'une
image, ne serait-ce pas plutôt ce que dit réellement, par l'intermédiaire d'une image,
cet auteur à son roi ?
Quelle que soit sa finalité, la principale difficulté du
phylactère est le nombre limité de caractères dont dispose le dessinateur. Au-delà de
quelques mots, la lisibilité s'effondre. Le phylactère devient trop long.
Le peintre est alors obligé de l'enrouler plusieurs fois sur lui-même , ce qui complique
la lecture, ou den faire un long ruban tenu à deux mains, ce qui immobilise le
héros de l'image dans une pose fort peu narrative et active.
Parfois, d'autres protagonistes doivent aider le personnage émetteur à soutenir le
phylactère !
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Les
dialogues Tout se complique dans le cas des
dialogues. Il est difficile de reconstituer l'ordre dans lequel les protagonistes
s'expriment. Les artistes écrivent le lettrage lun à lendroit, lautre
à lenvers pour indiquer que les protagonistes ne parlent pas en même temps. Seuls
les graveurs de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle
résoudront la question, en ajoutant simplement des signes distinctifs, chiffres ou
lettres d'alphabet, dans le cartouche de texte : la lecture des phylactères se
faisait donc de A à G, en suivant l'ordre alphabétique, comme en 1524 dans le
" Couronnement du lion ", de Hans Voghterr le Vieux (vers 1486-1556),
ou de 1 à 9 en suivant l'ordre numérique, comme dans une planche figurant des miracles
du Christ.
Autre difficulté, les phylactères peuvent encombrer
l'image entière, comme dans la théâtrale Farce du lion malade, uvre
enluminée allemande du XVe siècle, lorsque tous les animaux parlent en même
temps. Certains tournent habilement la difficulté, tout en restant dans des longueurs de
texte raisonnables. Dans nombre d'illustrations de Création du monde, le bandeau du
phylactère où Dieu affirme qu'il crée le ciel et la terre s'enroule autour de l'image
de sa création, qui prend ainsi, image et texte rassemblés, la forme d'un ballon. D'une
certaine manière, le XVe siècle a inventé le
" ballon-image " !
Malgré ses défauts, le phylactère demeure l'expression
privilégiée et efficace du son dans tous les cas où le texte reste bref ou lapidaire.
Dans le frontispice d'une Histoire de Griselda, manuscrit italien du XVe
siècle, deux protagonistes s'affrontent sur la crédibilité de ce conte cruel. L'un
d'eux, qui semble compter les arguments sur ses doigts, s'exclame dans un phylactère tenu
à la main : " Possibile " ! L'autre de
rétorquer : " Impossibile ".
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L'émetteur Autre défaut inhérent à la représentation graphique du son, la
relative difficulté à associer la parole à l'émetteur. En général, ce dernier tient
le phylactère à la main. Au XVe siècle, le phylactère ne sort que rarement
de la bouche des acteurs, qui reste le plus souvent close : il ne ressemble pas
encore, formellement, à la bulle des bandes dessinées. Ce procédé est cependant
employé dans des manuels techniques, tels les livres cynégétiques, au XIVe
siècle, où des veneurs lancent les appels de leur métier : " par cy, par
cy " ! ou encore " tchapalau, ha ha,
tchapalau ! ". Un même dessinateur peut dailleurs employer,
indifféremment semble-t-il, différents procédés au sein d'un manuscrit. Celui des Devises
pour faire tapisserie, livre de modèles pour artistes du début du XVIe
siècle, utilise dans le même dessin le phylactère enroulé sur lui-même, sans queue,
le phylactère tenu en main par la queue, le phylactère à queue sortant de la bouche...
Le phylactère peut encore arborer des fonds de couleurs différentes, mais il ne
sagit là que dune volonté esthétisante.
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Contrairement à la perception
moderne de l'émission du son, l'homme médiéval ne rattache pas nécessairement la
parole à la tête de celui qui s'exprime. Le phylactère peut être rattaché à la
main - on s'exprimait beaucoup par gestes - ou même sortir directement des doigts,
voire des épaules ou des genoux si le personnage tourne le dos. Même les oiseaux
tiennent leur phylactère entre les serres. Et lorsque l'espace de l'image est encombré
abusivement par des phylactères, ceux-ci se rattachent n'importe où, du moment
quils touchent de près la personne qui parle ! Cependant, la tête demeure
symboliquement le lieu par excellence de lémission du son, comme le démontre la
représentation de la " voix " de l'ange de l'Apocalypse, dans un
manuscrit flamand du XVe siècle : un visage ou une tête coupée, de
profil, enfermée dans une cage comme un perroquet, la bouche ouverte d'où sortent les
paroles...
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