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L’ours

Gaston Phébus, Livre de chasse
L’ours
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De l’ours et de toute sa nature

« L’ours est assez communebête ; aussi n’y a-t-il pas lieu de le décrire, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. Les ours sont de deux conditions : les uns grands de leur nature, et les autres petits de leur nature, même s’ils sont vieux. Toutefois, leurs moeurs, vies et conditions sont identiques, mais les grands sont les plus forts et mangent parfois des bêtes privées. Ils sont merveilleusement forts par tout le corps, sauf la tête qu’ils ont si faible que, s’ils y sont frappés, ils restent toutétourdis ; et s’ils y sont fortement frappés, ils meurent.

Ils vont en leur amour en décembre, les uns plus tôt, les autres plus tard, selon qu’ils sont à l’abri en bonnes pâtures, et ils restent en leur grande chaleur quinze jours. Et dès que les ourses ont conçu et se sentent grosses, elles se mettent dans les cavernes de roche et y demeurent jusqu’à ce qu’elles aientfaonné ; c’est pourquoi on prend peu d’ourses pleines. Et les ours mâles demeurent aussi dans les cavernes quarante jours sans manger et sans boire, sauf qu’ils sucent leursmains ; et au quarantième jour, ils sortent. [...]

Ils naissent en mars, deux au plus à la fois, et ils demeurent morts l’espace d’un jour, et leur mère souffle si fort sur eux et les échauffe et les lèche si bien de sa langue qu’elle les fait revivre. Et leur poil est plus près du blanc que du noir, et ils tettent un mois ou guère plus. [...]

Ils vivent d’herbes, de fruits, de miel, de chair crue et cuite, quand ils en peuvent avoir, de lait, de gland, de faîne, de fourmis et de toute vermine et charogne, et ils montent sur les arbres pour quérir lesfruits ; et parfois, quand tout leur manque, par grand hiver ou par grande famine, ils oseront bien prendre et tuer une vache ou un boeuf ; toutefois, il en est peu qui le fassent [...]. Ils gardent leur force pendant dix ans et c’est tout au plus si un ours peut vivre vingt ans, car ils deviennent volontiers aveugles, et ne peuvent plus quérir leur vie. [...]

Quand on les chasse, ils fuient l’homme et ne lui courent pas sus, tant qu’ils ne sont pasblessés ; mais, quand ils sont blessés, ils courent sus à tout ce qu’ils voient devant eux. [...] Et on les chasse ou prend aux dogues, aux lévriers et aux chiens courants, à l’arc, aux épieux, aux lances et épées, aux lacs et aux cordes, aux fosses et autres engins. [...]

Leur nature est de demeurer dans les grandesmontagnes ; mais quand il neige fort, ils descendent à cause de la neige et parce qu’ils trouvent à manger dans les forêts de plaine. [...] La saison de l’ours commence en mai et dure jusqu’à ce qu’il aille aux ourses. Et en toute saison ils sont gras ou dedans ou dehors et leur saison dure plus que celle d’aucune autre bête. [...] »

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    France, Paris
  • Auteur(es)
    Gaston Phébus, auteur
  • Description technique
    Peinture et or sur parchemin
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 27v

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm207200665h