Abraham Bosse
Les Gardes Françoises, 1632 : Le Piquier

Eau-forte, 190 x 114 sans le cadre ; 240 x 165 avec cadre
BNF Est., Ed 30 rés., épreuve du 2e état, avec l'adresse de Fr. Langlois

Neuf planches figurent des soldats du corps des gardes françaises. Deux d'entre eux montent la garde, l'un contemple les armes royales qui somment un arc et l'autre désigne le titre aux spectateurs. Le fifre ouvre le défilé, suivi du tambour, de l'enseigne, du lieutenant, du mousquetaire, du capitaine, du piquier et enfin de deux maraudeurs. Le succès de cette suite est attesté par une copie éditée à Cologne en 1643 par Abraham Aubry ; celui-ci, qui mourut semble-t-il après 1682, a repris plusieurs gravures de Bosse.
Le Piquier traverse le Pont-Neuf, d'où l'on aperçoit la tour de Nesle, le Louvre et les Tuileries (comparée à la Vue du Louvre gravée par Callot en 1630, celle-ci est approximative, le Louvre étant pourvu de quatre étages de fenêtres au lieu de trois), et s'adresse fièrement aux spectateurs : Quand jay mon corcelet & ma picque a la main / lespee a mon costé la bourguignote en teste // Hardy comme un lion & d'un cour plus qu'humain / Il nest poinct Caualier qui tout court je n'arreste. Le corselet et la bourguignotte (casque) seront abandonnés, l'un en 1641, l'autre en 1680 ; son casque, le fameux "pot de fer", est attaché à sa ceinture, et comme tous les soldats des gardes françaises, il a l'épée au côté.
Quand Bosse les met en scène, les gardes françaises gagnent de l'importance dans l'armée. Elles constituent une force militaire réelle, qui peut être engagée sur les frontières. "C'est le plus beau régiment de France. [...] Composé de mousquetaires, d'arquebusiers et de piquiers, ses effectifs passent de quinze compagnies sous Henri IV à trente-deux sous Louis XIII, chacune comptant de deux cents à trois cents hommes. L'une d'elles, la colonelle, est exclusivement composée de gentilshommes." (Pillorget) Pontis évoque la "grande passion [qu'il avait] d'entrer dans le régiment des gardes, comme étant la meilleure école du métier, l'école la plus ordinaire des jeunes gentilshommes qui suivaient l'exercice des armes" (Lacolle). Un régiment comprend alors un capitaine, un lieutenant, un enseigne, deux mousquetaires, un sergent, un fourrier, six caporaux, un tambour, un fifre, un commissaire, un contrôleur, trente-huit arquebusiers et piquiers. La suite de Bosse aurait donc pu être plus étendue.
Le sujet était à la mode. En 1626, Balthasar Moncornet avait édité une suite de trente-deux petites planches intitulée Livre de diverses postures figurant pour la plupart des hallebardiers dans des attitudes un peu raides, se détachant sur des fonds neutres. Bosse lui préféra la célèbre suite de douze planches de Jacques de Gheyn II (Anvers 1565 - Haarlem 1641), gravée en 1587 d'après Goltzius (Haarlem 1558-1616), qui montre des soldats dans des attitudes dynamiques avec à l'arrière-plan des troupes en exercice. Mais il pensait aussi à La Noblesse, gravée par Callot entre 1620 et 1623. Il garda les poses théâtrales de Goltzius, adoucies par l'élégance, la souplesse et le naturel des attitudes de Callot, et ajouta une touche personnelle faite de préciosité et d'un soupçon de naïveté, qui atteste encore de l'influence de Saint-Igny et du souvenir du Jardin de la Noblesse Française. Par sa technique vigoureuse, cette suite annonce les Cris de Paris.

Suite de neuf pièces éditée en 1632, la première servant de page de titre : FIGVRES / Au naturel tant des / Vestements que des postures / des Gardes Francoises du / Roy Treschrestien. / Sur ces braues soldatz posez en faction / sa vie & son repos nostre Monarque fonde / Ô quilz sont glorieux de leurs condition / de garder soubz leurs foy le plus grand Roy du = / monde / F.L.D Ciartres excu(dit). Dans le cartouche : A PARIS chez Francois / L'Anglois dit Ciartres / rue S. Iacques aux / Colonnes D'Hercule / contre le lyon d'Argent. Sur le sol : Auec priuilege du Roy.
En bas à droite, dans la composition, le n° : 8. Sous la composition, 4 vers sur 2 col.