Abraham Bosse
La Galerie du Palais, v. 1638

Eau-forte. 210 x 240
BNF Est., Ed 30 a*, 1er état sur 2 : avant l'adresse de Roland Leblond gravée devant son nom (demeurant sur le pont N. Dame au Pelican).

La galerie du Palais de justice était au XVIIe siècle une sorte de grand magasin à la mode où, comme on le voit sur cette estampe, la lingère côtoyait le libraire et le mercier l'orfèvre. Bosse montre ici trois boutiques, qui ne sont évidemment pas choisies au hasard. La librairie, à gauche, dont l'étal est drapé de fleurs de lis, est apparemment bien fournie en ouvrages de toute sorte. Inscrits sur le revers des volets de la boutique voisinent avec la Sainte Bible les noms de Cicéron, de Sénèque, de Plutarque, de Machiavel, de Boccace, de Vésale, de Rabelais, et même de Godeau (qu'on n'attendait pas) ; figurent encore les Tableaux de Philostrate, le roman d'Alexandre, Le Moyen de parvenir (de Béroalde de Verville), l'Aminte (du Tasse), l'Astrée d'Honoré d'Urfé, Les Amours de Clytophon et de Leucippe (d'Achilles Tatius, nouvellement traduit en français en 1635 par Jean Baudouin), et l'Ariane de Desmarets de Saint-Sorlin (publiée dès 1632 mais rééditée avec des illustrations de Bosse en 1639). Outre les romans, la librairie est riche de traités historiques, comme on peut le déduire des mots gravés sur la tranche d'une des étagères : "Histoire d'Espagne", "Guichardin" (pour Francesco Guicciardini, auteur d'une Histoire d'Italie), "Pays-Bas, Histoire de France". Abraham Bosse ne s'oublie pas, et fait discrètement allusion à son travail. Ainsi le client des libraires se voit-il recommander La Mariane de Tristan l'Hermite. La première édition de cette tragédie, parue chez Augustin Courbé en 1637 avec un frontispice gravé par Bosse, situe l'estampe de La Galerie du Palais à cette date au plus tôt, encore que la facture du graveur soit plus proche de ses débuts que de sa maturité
La deuxième boutique présente des gants et autres accessoires de mode, tels que des bonnets, des manchons, des loups et des éventails ; un commis attrape sur une étagère une boîte sur laquelle sont inscrits les mots : Euentails de Bosse. Bosse avait publié trois éventails en 1637 et 1638.
La dernière boutique, à droite, présente des collerettes et des manchettes de dentelle.

Le titre est gravé dans un petit encart au milieu de la bordure supérieure : LA GALERIE DV PALAIS. Dans l'espace réservé sous l'image, 16 vers sur 4 colonnes : Tout ce que l'Art humain a jamais inuenté / Pour mieux charmer les sens par la galanterie, / Et tout ce qu'ont d'appas la Grace et la beauté, / Se descouure à nos yeux dans cette Gallerie. // Jcy les Caualiers les plus aduantureux / En lisant les Romans, s'animent à combatre ; / Et de leur passion les Amans langoureux, / Flattent les mouuemens par des vers de Theatre. // Jcy faisant semblant d'acheter deuant tous / Des gands, des Euantails, du ruban, des danteles ; / Les adroits Courtisans se donnent rendez-vous, / Et pour se faire aimer, galantisent les Belles. // Jcy quelque Lingere à faute de succez / A vendre abondamment, de colere se picque / Contre des Chiccaneurs qui parlant de procez / Empeschent les Chalands d'aborder sa Boutique. Au-dessous, à gauche : ABosse jn. et fe., et à droite : le Blond le jeune excud Auec Priuilege du Roy.
Dans une bordure.