Gilles Rousselet (1610-1686) et Abraham Bosse d'après Claude Vignon (1593-1670)
La Pucelle d'Orléans, 1647

Planches pour Le Moyne (Pierre), La Galerie des Femmes Fortes, Paris, chez Antoine de Sommaville, au Palais, en la salle des Merciers..., 1647, in-fol.
Burin et eau-forte. 340 x 222 au coup de planche
BNF Est., Ed 30, rés.

C'est la dix-huitième planche des illustrations pour l'ouvrage du père Pierre Le Moyne. C'est aussi un des nombreux exemples de collaboration entre deux graveurs. La figure de Jeanne d'Arc s'inscrit au premier plan de façon monumentale ; elle est gravée au burin par Gilles Rousselet. Le second plan, beaucoup plus animé, est gravé très légèrement à l'eau-forte par Abraham Bosse. Le modèle proposé par Vignon n'est pas tout à fait respecté, qu'il s'agisse du dessin de la lance que tient la Pucelle ou de la scène de bataille, d'où les canons de Vignon sont absents. Bosse, en revanche, a précisé les armoiries d'Orléans, que l'on voit au-dessus de la porte de la ville où La Hyre et Dunois accueillent Jeanne après sa victorieuse traversée des lignes anglaises.
Ce livre, qui connut un succès considérable, est illustré de vingt planches dessinées par Claude Vignon et gravées au burin par Gilles Rousselet pour le personnage principal, et à l'eau-forte par Abraham Bosse pour les scènes de l'arrière-plan, à l'exception de la page de titre, exécutée par Karl Audran d'après un dessin de Pierre de Cortone, qui montre Anne d'Autriche, dédicataire du livre, accompagnée de figures allégoriques. Pierre Le Moyne, prédicateur jésuite, poète et écrivain fécond, est en outre l'auteur des Peintures morales (1640), des Devises héroïques et morales (1649), de Saint Louis ou le héros chrétien (1653), De l'art de régner (1665) ou De l'art des devises (1666) et enfin d'Ouvres poétiques (1671). Chaque illustration met en scène une héroïne en pied, dans un paysage où se déroule un épisode de sa vie. Au bas de chaque planche, son nom suivi d'une courte légende et d'une source historique.
Alors que Rousselet tend à régulariser les formes, les silhouettes et les traits des visages, à intérioriser les sentiments et à rejeter les éléments maniéristes, dans une interprétation plus conforme à l'esprit que recherchait le père Le Moyne, Bosse au contraire suit trait pour trait son modèle ; sa pointe traduit à merveille le pathétique et la fougue des petites figures, dans une parfaite adéquation de son art avec celui de Vignon. On est loin de la lourdeur de La Pucelle qu'il grava neuf ans plus tard sans le concours d'aucun collaborateur. Bosse donne ici des traductions délicates, qu'il faut voir dans la fraîcheur des premiers tirages ; on peut supposer que là encore Vignon admira son travail, qui adoucit la majesté des figures imposantes de Rousselet et donne leur verve à ces compositions.
L'excudit de Mariette laisse supposer que les planches parurent aussi indépendamment du livre. Le Moyne avait pris un privilège de douze ans interdisant toute contrefaçon du texte et des illustrations, sous peine de 4 000 livres d'amende. Ce fut peine perdue, car un grand nombre de copies peintes et gravées atteste de leur succès.

Dans la marge inférieure : LA Pucelle enuoyée de Dieu au secours de la France, entre dans Orleans assiegé par les Anglois : et / par la liberté de cette Ville donne commencement à la deliurance de l'Estat. Annales Galliæ. Au-dessous, à gauche : Vignon inuent., et à droite : Mariette excud cum priuil. Regis.