Abraham Bosse | ||||
Le Dauphin dans les bras de la Foi entre la Force et la Justice | ||||
pour la thèse de baccalauréat en philosophie de Louis Hugues de Lionne, dédiée au dauphin, soutenue à Paris au collège d'Harcourt le 2 juillet 1662 Eau-forte. Haut : 390 x 460 ; bas : 399 x 460 | ||||
BNF Est., Ed 30, rés. | ||||
Assise sur un trône au centre d'une île illuminée par des rayons divins (PACATVMQVE REGET PATRIIS VIRTVTIBVS ORBEM - "et il règne sur le monde pacifié par les vertus paternelles"), la Religion voilée, dont on aperçoit un oil, signe de sa vigilance, tient dans ses bras le nouveau dauphin, fils de Louis XIV, né le 1er novembre 1661. La médaille de l'ordre du Saint-Esprit autour du cou, il est couronné et vêtu d'un maillot fleurdelisé, d'une chape et d'un camail d'hermines et s'apprête à saisir la main et le sceptre que lui apportent la Justice, à qui il s'adresse, et la Force d'âme, reconnaissable au lion et à la colonne, vers laquelle se tourne la Religion, qui semble lui demander de prendre l'enfant sous sa protection. Près de la Justice, un angelot désignant le dauphin se prépare à lever la balance dont les plateaux sont chargés, d'un côté, des ordres royaux - bâtons de commandement, colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit - et, de l'autre, de faisceaux d'armes, jougs, fouets et disciplines. Du faisceau d'armes lié, symbole de paix et d'harmonie, et du joug, emblème de la tempérance, s'échappent les fleuves qui bordent l'île pour en faire la patrie de la Paix et de la Vertu. Délimitée par un cadre agrémenté d'une guirlande de laurier, la scène s'inscrit dans une riche bordure ornée de dauphins aux yeux malicieux, de lys, de palmes, de rameaux de laurier et de devises à la gloire du dauphin. Un lourd feston de fleurs et de fruits, attaché à une corne d'abondance, aux lys de France, à la main de justice et au sceptre, pend hors du cadre, renforçant l'aspect illusionniste de la présentation, puisque la partie centrale s'avère être un miroir dans lequel se reflètent la guirlande mais aussi la scène qui paraît ainsi un tableau vivant. Placée au centre du cadre, la légende (PER SPECVLVM ET IN AENIGMATE) indique que la scène et son décor composent une énigme à la gloire du Dauphin. Ainsi, au centre de chaque montant, un lys entouré du monogramme de Louis et d'inscriptions rappelle qu'en tant que représentant de Dieu, sa sagesse ne fera que croître, tandis que dans les angles, les devises montrent ses qualités : 1o NOSCE VICTOREM CROCODILE TVVM : au loin un crocodile, au premier plan le dauphin. 2o MORIQVE VETABIT DIGNOS LAVDE VIROS. : Arion assis sur le dos du dauphin. 3o INGENITVM EST CITO CRESCERE. : un dauphin effrayé par un reflet. 4o CLAMANTIBVS ARDET SISTERE SE. : un dauphin arrive devant une côte où des hommes gesticulent. Occupant le centre de la bordure inférieure, les armoiries soulignent l'axe principal formé par le couple de la Religion et du fils du roi. En dessous, sur un phylactère, l'inscription DELPHINO introduit la dédicace dont les quatorze lignes surmontent les positions, gravées sur la peau d'un lion éventré dont les pattes antérieures sont retenues par une cordelière ; il est de nouveau question de la Force et de la Justice qui président à l'éducation du Dauphin. Cette peau, dont la Force d'âme est également coiffée, est celle du lion de Némée, que vainquit Hercule. Bosse avait sans doute en mémoire la peau de lion gravée par Jean Baron d'après Raphaël Vanni, pour le bas de la thèse dédiée par Charles Bichi à Alexandre VII, soutenue à Sienne en novembre 1658. Ce motif semble avoir connu un succès considérable à l'époque, et on le retrouve souvent sur les gravures en l'honneur du roi ; ainsi le chevalier Pontault de Beaulieu y recourut dans ses Glorieuses conquêtes de Louis le Grand, pour représenter les batailles de Furnes (1646) et d'Ypres (1648) gravées par Nicolas Cochin. La Gazette du 8 juillet 1662 (p. 659) relate qu'au moins quinze évêques, le nonce, plusieurs pairs et maréchaux de France assistèrent à la soutenance, avec d'"autres personnes de qualité venuës expres de la cour en très grand nombre". Mais il n'est pas dit que la thèse était dédiée au dauphin et il n'est pas fait allusion à l'illustration. Loret l'évoque également dans La Muse historique : "Le fils du comte de Lyonne, / Ieune, mais prudente Personne, / Du présent mois le second iour, / Soütint au collège d'Harcourt, / Plusieurs thèses si difficiles, / Qu'au jugement des plus habiles, /or-en-avant, /Pour un adolescent sçavant. / Monsieur le Nonce Apostolique / Et maintes autre Ecclésiastiques, /Jusqu'à quinze ou seize mitrez / S'estant audit lieu rencontréz, / Afin d'écouter, à leur aize, / ce jeune philosophe en chaire, / Eurent de l'admiration / Pour cette éclatante action / Et comme ils voyaient sa jeunesse / Montrer déjà tant de sagesse, Diverses gens, tous à la fois, / Dizaient avec un ton de voix, / Non adulateur, mais sincère / ö qu'il est bien le fils de son père. Le candidat, Louis Hugues de Lionne, marquis de Berny, était le fils du ministre d'État, Hugues de Lionne (1611-1671), principal négociateur de la Paix des Pyrénées et du mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse, qui sera nommé secrétaire d'État aux Affaires étrangères en 1663. Il était également le frère aîné de Jules Paul de Lionne (1644-1721), abbé de Marmoutier, futur aumônier du roi. Un an après cette première thèse, il dédia sa thèse de licence de philosophie à Louis XIV, s'adressant cette fois-ci à Le Brun et à Mignard pour le dessin et à Van Schuppen pour la gravure. Il fut maître de la garde-robe de 1671 à 1686, et mourut en 1708. | ||||
En bas de la partie sup., dans la bordure, vers la gauche : ABosse, et vers la droite : jn et sculp. Au bas de la partie inférieure : Has Theses, Deo duce, & auspice Deiparâ Virgine, propugnabit LVDOVICVS HVGO DE LIONNE Parisinus. / Die Dominicâ.B.M.V. Visitationi Sacrâ 2. Mensis Iulij anni [sic] domini 1662.A Prima ad Vesperam. / Arbiter erit LVDOVICVS NOEL Baccalaureus Theologus & Philosophiae Professor. / IN AVLA HARCVRIANA. Au-dessus, sous la dédicace : CONCLVSIONES PHILOSOPHICÆ. | ||||