Le manuscrit au temps des Lumières

Avec l’épanouissement des Lumières, le statut des gens de lettres, la notion de propriété littéraire se sont certes affirmés. En 1777, Beaumarchais fonde la Société des auteurs dramatiques pour combattre les droits exorbitants que se réservaient les Comédiens-Français sur les recettes. Mais l’étroit réseau de surveillance qui entoure le moindre écrivaillon, la subtilité des rapports noués entre les écrivains, souvent traqués mais dans une certaine mesure protégés, et les grands serviteurs de l’État – tel Malesherbes, directeur de la Librairie, l’ami des encyclopédistes – entraînent tout au plus la confiscation ou la mise à l’abri du manuscrit explosif dont il faut éviter la publication. 
Au mieux, le manuscrit a droit de cité comme preuve de la bonne foi de l’auteur : Voltaire comme Beaumarchais présenteront des copies certifiées conformes à la mouture initiale de l’œuvre contestée par les autorités. Nul, dans les sphères du pouvoir, n’envisage l’intérêt du manuscrit d’auteur. Le prestige grandissant du manuscrit médiéval ne s’étend pas au manuscrit littéraire contemporain. Les écrivains eux-mêmes, s’ils offrent parfois à des protecteurs illustres des copies de leurs textes (et non pas les autographes, à l’exception de Rousseau), trouvent pour les plus grands hors des frontières du royaume appui et considération.