Les brouillons d'Apollinaire

Indescriptibles brouillons : cahiers d’écoliers aux pages parfois manquantes, feuilles à en-têtes de brasseries ou de banques, versos des dépêches multicopiées de l’Agence Radio pendant la guerre, bulletins de bibliothèques, fragments de papier froissés ou déchirés, griffonnages à l’encre, phrases ou mots semés au crayon dans des marges sans souci excessif d’organisation. La manière d’écrire d’Apollinaire – tout autant que la diversité des supports sur lesquels elle trouve à s’exercer – se ressent de la hâte qu’impose une existence partagée entre des travaux mercenaires parfois accablants, les exigences des amitiés et des amours et le goût irrésistible de la flânerie parmi les rues ou à travers les livres. Apollinaire a-t-il jamais partagé l’exigence esthétique et éthique qui conduit un Saint-John Perse ou un René Char à couvrir d’une écriture maîtrisée des feuilles de belle matière, afin que le poème offert à un ami ou transmis par d’autres voies à la postérité en détienne un apparat supplémentaire ?