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Pour Hugo, être écrivain, c’est écrire,
en toutes circonstances. La "feuille volante" et le "carnet"
sont donc, selon les occasions, des supports toujours accessibles, et
peuvent être remplacés par n’importe quel morceau de papier se trouvant
à proximité. Les rêveries nocturnes de Jersey sont notées sur des feuilles
en attente sur le plancher, au chevet du lit. Deux stratégies peuvent
découler de cette disponibilité permanente : l’organisation progressive,
par petites touches, d’une œuvre en cours, ou simplement projetée, et
la mise en réserve de fragments dont la destination n’est ni prévue ni
assurée.
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Le
métier d'écrivain
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Peu de "brouillons" restituent la
genèse proprement dite de l'œuvre. Un des plus spectaculaires et des plus
travaillés, le manuscrit du poème
"Dolor" des Contemplations, illustre la technique de la dilatation,
par insertions successives, pratiquée par Hugo. La première version, que
le poète aurait pu croire définitive, occupe la partie droite, selon ses
habitudes d'écriture. Le texte s'enrichit ensuite par étapes, dans la
marge de gauche, matérialisées par des accolades. Puis il est biffé, car
recopié sur un autre feuillet, avec des additions supplémentaires. Les
étapes successsives de la rédaction se
greffent ainsi les unes aux autres par un réseau de "bulles", chacune
des nouvelles se substituant aux précédentes. |
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Les manuscrits romanesques sont
soumis au même traitement, avec des corrections et des remaniements si
considérables que certaines pages, devenues illisibles, ont dû être remplacées.
Les feuillets de "copeaux" de L'Homme qui rit témoignent de ses
méthodes de composition. Le feuillet 18 en particulier nous éclaire sur
le travail de l'écrivain. C'est une page bleue très surchargée, couverte
d'écriture sur ses deux côtés. Au recto figure une première version du
portrait de la duchesse Josiane. Les corrections en interligne, les multiples
additions dans la marge de gauche ont conduit Hugo à abandonner ce feuillet
pour le remplacer dans le manuscrit par une mise au net. Le verso a ensuite
été utilisé pour noter au crayon et à l'encre des fragments, éparpillés
sur la page, qui seront utilisés dans d'autres chapitres. Un texte en
continu, partiellement ébauché, serpente en bas de page ; en haut,
un croquis détaille "l'ancienne cahute d'Ursus", comme le précise la légende.
Des fragments sont découpés pour rejoindre un autre état de la rédaction. |
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Ainsi les manuscrits de Victor
Hugo ne présentent-ils pas toujours le premier jet mais souvent une copie
issue d'une maturation plus ou moins longue. Cette "mise au net" occupe
la partie droite de la page tandis que l'autre moitié est "mise en réserve"
pour permettre un développement ou une recomposition du texte. La marge,
par nature secondaire, est utilisée par Hugo comme un support autonome
équivalent au premier, qui stimule la réécriture. Cette marge est parfois
si remplie qu'elle constitue une seconde page. Hugo dessinant abondamment,
ces colonnes de gauche accueillent parfois des dessins, nés dans les moments
de recherche de l'inspiration et de l'errance de la main.
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