Merleau-Ponty et le langage
     

La langue est toute hasard et toute raison parce qu’il n’est pas de système expressif qui suive un plan et qui n’ait son origine dans quelque donnée accidentelle.

Maurice Merleau-Ponty



Si pour Merleau-Ponty "le langage est mystère pour soi", son usage littéraire possède une valeur heuristique propre, qui fait apparaître la littérature comme modèle pour une pratique de la philosophie dans son rapport interrogatif au monde. Comme modèle aussi de création de sens, non plus à retrouver, mais à mettre en œuvre : c’est l’assemblage qui permet aux signes de porter une signification, et la fonction conquérante de l’expression littéraire propose à la philosophie l’exemple d’une dialectique incarnée.
À l’examen de l’ensemble du manuscrit autographe du Visible et l’invisible et de ses ratures, on constate que les titres des parties et des chapitres, ainsi que la composition de l’ouvrage, sont encore des objets de réflexion quand le philosophe commence à rédiger. Il se lance dans la rédaction alors que le statut de ce texte par rapport à son projet est encore en suspens. Cette façon de procéder corrobore ce qu’il dit du caractère à la fois accidentel et nécessaire de l’écriture. La première phrase est bien une entrée seulement possible dans le monde qu’il envisage de nous apprendre à voir. Et la plupart des corrections suivent l’inscription de sa pensée dans le mouvement même de l’écriture et non dans celui de réécritures ultérieures.