Georges Perec
 
 

Par le jeu de contraintes imposées, Perec avoue assouvir "son goût, son amour, sa passion pour l’accumulation, pour la saturation, pour l’imitation". Ses recherches de nouvelles formes narratives, qui ne laisseraient aucune place au hasard de l’inspiration, ne pouvaient que croiser celles de l’Oulipo. L’Ouvroir de Littérature potentielle, fondé en 1960, préconisait le recours aux lois mathématiques pour construire et composer des textes. La Vie mode d’emploi porte à son comble l’écriture à combinatoires : Perec y met en place un ensemble complexe de règles, véritable machine à produire et à organiser une multitude d’histoires.

 

 
La "versalité systématique" de Perec

On connaît la diversité de l’œuvre de Georges Perec. Il l’a lui même revendiquée, affirmant n’avoir "jamais écrit deux livres semblables", n’avoir "jamais eu envie de répéter dans un livre une formule, un système ou une manière élaborée dans un livre précédent". Cette "versatilité systématique", pour reprendre sa propre expression, se retrouve dans l’imposante masse des brouillons qu’il a laissés et qui constituent aujourd’hui l’essentiel du fonds privé Georges Perec. Hétérogénéité des supports et des formats ("feuilles volantes, copies quadrillées, carnets, cahiers, et registres", précise-t-il à Jean-Marie Le Sidaner qui l’interroge sur ses habitudes matérielles d’écrivain), des outils (stylo, stylo à bille, crayon, feutre, surligneur, machine à écrire), des pigments (encres noire, bleue, rouge, verte, violette, ocre), des graphies (à la fois dans la grosseur et dans le tracé), des orientations, des manipulations (biffage, raturage, surcharge, découpage, agrafage) et même des systèmes sémiotiques, le dessin venant se mêler, jusqu’à parfois l’envahir, à l’écrit, le visible au lisible. "J’écris : j’habite ma feuille de papier, je l’investis, je la parcours." Comment, à notre tour, parcourir ces parcours sans les mimer, les investir sans pour autant s’imaginer, naïvement, les reproduire ?