Paul Valéry, Alphabet, cahier "ABC"
 
Fac-similé du cahier original destiné aux 30 premiers exemplaires de l'édition due aux soins d'Agathe Rouart-Valéry, librairie Auguste Blaizot, imprimerie d'art Daniel Jacomet, 1976
BNF, Manuscrits, fonds P. Valéry
 
Dans les années 1920, la reproduction de manuscrits de maîtres en fac-similé connaît une vogue sans précédent, les techniques de reproduction étant parvenues, il est vrai, à un haut degré d'excellence. Devenu alors une sorte d'idole des lettres, Valéry est l'un des premiers à bénéficier de cette vogue. En 1924, les libraires parisiens Ronald Davis et édouard Champion font appel à Daniel Jacomet pour reproduire deux manuscrits de l'écrivain : La Soirée avec Monsieur Teste et le cahier B. 1910. Avec Alphabet, le projet de publication est plus ambitieux, puisqu'il est prévu que l'auteur accompagne chaque pièce du recueil d'une composition aquarellée. Nous avons affaire à ce que Pierre Lecuire appelle un "livre de poète" pour l'opposer à l'expression galvaudée de "livre de peintre", lequel porte trop fort l'accent sur l'artiste et menace le délicat équilibre à quoi l'on reconnaît le livre abouti. Ici le peintre est le poète et il y a fusion intime des deux processus.
Ce recueil de poèmes qu'est Alphabet prit très vite une tonalité personnelle. L'auteur s'y impliqua, l'écriture se fit secrète, et il ne fut plus question de livrer au public cet ouvrage, même à ces "happy few" que constitue la caste des bibliophiles. Le projet plongea dans l'ombre, au grand dam du libraire-éditeur René Hilsum et de ses souscripteurs... Et, faisant fi de tout engagement, Valéry sembla se livrer sans remords au travail infini des ratures et variantes.