Colette, Sido
 
Manuscrit autographe, 1929
154 f., 29 x 25 cm
BNF, Manuscrits, N. a. fr. 18661, f. 10
 
"Plus circonspecte chaque jour devant mon travail, et plus incertaine que je le doive continuer, je ne me rassure que par ma crainte même. L'écrivain qui perd le doute de soi, qui sur l'âge se fie à une soudaine euphorie, à l'abondance, que celui-là s'arrête : le temps est venu pour lui de poser la plume." Ainsi Colette définit-elle, dans son discours de réception à l'Académie royale belge, l'exigence première de l'écrivain, qu'elle appelle sobrement "le scrupule".
Maurice Goudeket, qui fut pendant quelque trente ans à ses côtés, dit qu'"elle recommençait plus qu'elle ne corrigeait, et, prudente, plutôt par pages que par grands fragments" (Près de Colette). Car derrière l'apparente facilité du style se cachent la lutte intransigeante de l'écrivain avec soi-même pour faire sourdre le mot juste, son angoisse de l'impasse, son inquiétude devant un dénouement qu'il ne "voit" pas encore bien. Tant dans son œuvre que dans sa correspondance, les allusions de Colette à son laborieux travail d'"ouvrière des lettres" ne manquent pas : "Ça fait huit fois que je recommence ma scène avec l'homme [dans La Naissance du jour]. Il me semble que je franchis un tournant..." ou encore : "La dernière page [du Blé en herbe], exactement, m'a coûté toute ma première journée de Castel-Novel, - et je te défie bien, en la lisant, de t'en douter. Quoi, ces vingt lignes où il n'y a ni cabochon ni ciselure... Hélas, c'est comme ça. C'est la proportion qui m'a donné du mal. J'ai une telle horreur de la grandiloquence finale." (Lettres à Marguerite Moreno.)