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Focus

Les principaux acteurs de la Renaissance carolingienne

Éginhard écrivant
Éginhard écrivant

Bibliothèque nationale de France

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Ils ont pour nom Alcuin, Théodulfe, Chrodegang ou Dhuoda. Mais dernière ces sonorités étranges, qui sont les hommes et les femmes qui ont permis la Renaissance carolingienne ? Presque toujours engagés dans une carrière ecclésiatique, parfois nobles, ils viennent de toute l'Europe faire vivre la culture de leur temps. Panorama de ces figures méconnues.

Adalhard de Corbie (v. 751-826)

Frontispice et incipit avec initiale E ornée
Frontispice et incipit avec initiale E ornée |

Bibliothèque nationale de France

Cousin de Charlemagne, Adalhard est élevé à la cour avec son frère Wala, puis rejoint le monastère de Corbie. Nommé abbé de Corbie en 780, après un bref passage par le Mont-Cassin, il contribue à son renouveau spirituel et intellectuel. Nous lui devons le protocole de la cour de Charlemagne, connu seulement par le témoignage d’Hincmar, et les Statuta antiqua Sancti Petri Corbeiensis. Destinés à réformer l’abbaye, ces statuts serviront de modèle à d’autres monastères. Adalhard mène aussi une activité politique comme conseiller de Bernard, roi d’Italie et s’attire l’animosité de Louis le Pieux, qui l’exile durant sept ans près de l’embouchure de la Loire. De retour à Corbie, il fonde en pays saxon une colonie monastique, Corbeia nova ou Corvey, en 822. Paschase Radbert en fera le récit dans la Vita Adalhardi.

Agobard de Lyon (v. 769-840)

Originaire de Septimanie, Agobard arrive vers la fin du 8e siècle à Lyon, où il devient le plus proche collaborateur de l’évêque Leidrat. À la mort de ce dernier, en 816, il reçoit l’évêché de Lyon. Son engagement aux côtés de Lothaire dans la querelle qui oppose le prince à son père Louis le Pieux lui vaut d’être déposé au synode de Thionville (835), mais il retrouve son siège trois ans plus tard. Centrée autour du thème augustinien de l’unité de la société chrétienne, son abondante œuvre littéraire reflète ses prises de position doctrinales dans les controverses théologiques. Il est l’auteur de nombreux traités contre l’adoptianisme de Félix d’Urgel, le statut des juifs de Lyon, le culte des images et les innovations liturgiques introduites dans le diocèse de Lyon par Amalaire de Metz, qui l’a remplacé sur le siège épiscopal de Lyon après sa déposition.

Alcuin (v. 735-804)

Écriture de Maudramne
Lettres d'Alcuin |

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Né en Northumbrie, Alcuin est formé à l’école cathédrale de York, où il assume par la suite les fonctions de maître et bibliothécaire. Sur l’invitation de Charlemagne qu’il rencontre à Parme, il se rend en France en 782. Devenu le conseiller le plus intime du roi, il dirige et réorganise l’école palatine, tout en prenant une part active au renouveau spirituel et intellectuel du royaume. Il est nommé abbé de Saint Martin de Tours en 796 et y demeure jusqu’à sa mort. Ses travaux couvrent de nombreux domaines : professeur, il met au point de nouveaux manuels scolaires sous la forme attrayante de dialogues ; théologien, il participe aux débats de son temps et se voit confier la rédaction d’un célèbre traité sur les images, les Libri Carolini ; exégète, il révise le texte de la Bible et du Sacramentaire d’Hadrien ; hagiographe et poète, il a laissé un grand nombre de vies de saints et de poèmes de circonstance. Ses nombreuses lettres nous renseignent sur sa personnalité et son époque.

Amalaire de Metz (v. 775-850)

Né vers 775 dans la région de Metz, Amalaire séjourne à Tours où il devient l’élève d’Alcuin. Il est nommé archevêque de Trêves aux alentours de 811. En 813, il accompagne Charlemagne à Constantinople, où il apprend à connaître les rites orientaux. Il écrira une relation pleine d’humour de ce voyage dans les Versus marini. Devenu en 835-838 évêque de Lyon, il participe au synode de Quierzy, où il s’oppose à Florus et à Agobard de Lyon. Amalaire est connu pour ses écrits liturgiques et surtout pour son Liber officialis, sorte de manuel publié en 823 dans lequel il propose une interprétation allégorique de la liturgie. Il joue par ailleurs un rôle important dans la réforme religieuse entamée sous Pépin le Bref, composant notamment un antiphonaire pour l’église de Metz.

Angilbert (v. 745-814)

Dédicace à Louis le Pieux
Dédicace à Louis le Pieux |

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Né dans une famille franque, Angilbert a été l’élève et l’ami d’Alcuin. Il accompagne le jeune roi Charles dans son voyage en Italie en 782. Il est le compagnon de sa fille Berthe, dont il a deux fils illégitimes, Nithard et Hartnit. Angilbert est l’ambassadeur de Charlemagne auprès du pape Hadrien Ier en 792-794, puis Léon III en 796. Abbé de Centula (Saint-Riquier) à partir de 789-790, il contribue largement à la reconstruction de l’abbaye et y crée une bibliothèque de plus de deux cents manuscrits. Cet ecclésiastique au statut ambigu, administrateur mais aussi lettré, est l’auteur de plusieurs textes et de vers. On lui attribue parfois un fragment de poème épique sur Charlemagne et le pape Léon III.

Angilram (8e siècle)

Tables des Canons et grande initiale
Tables des Canons et grande initiale |

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Abbé de l’abbaye bénédictine de Sens, évêque de Metz à partir de 768, Angilram devient en 784 le chapelain de Charlemagne, qui lui offre les abbayes de Chiemse et de Senones et obtient pour lui du pape Hadrien Ier l’évêché de Metz. Il meurt pendant une campagne contre les Avars en 791. On lui a longtemps attribué une compilation juridique anonyme intitulée Capitula Angilrami et rédigée au 9e siècle dans le diocèse de Reims, qui regroupe textes fondamentaux du droit romain, vraies et fausses décrétales, collections canoniques…

Benoît d’Aniane (750-821)

En tant qu’abbé réformateur de l’ordre bénédictin, Benoît d’Aniane occupe une place importante dans l’histoire du monachisme. Issu de l’aristocratie wisigothique implantée en Narbonnaise, il est élevé à la cour de Pépin le Bref et de Charlemagne mais en 774, il abandonne ses fonctions civiles pour se retirer au monastère de Saint-Seine près de Dijon où il exerce d’abord la charge de cellérier. À la mort de l’abbé, Benoît est désigné pour lui succéder, mais il refuse de crainte de ne pouvoir imposer aux moines une observance rigoureuse. En 779, il regagne l’Aquitaine pour y fonder une cellule monastique au bord de l’Aniane où il mène une vie ascétique avant de découvrir les vertus de la règle de Benoît de Nursie. Vers 814, Louis le Pieux le nomme Supérieur général des monastères de l’empire et deux ans plus tard le charge de réformer ces derniers suivant la règle bénédictine. Les synodes d’Aix-la-Chapelle (816, 817 et 818-819) et une série de capitulaires impériaux lui permettent de mener à bien cette politique unificatrice qui impose aux clercs de choisir entre deux modèles, bénédictin ou canonial. Son œuvre littéraire se partage en deux volets : écrits théoriques ou pratiques sur la vie monastique et la liturgie et écrits dogmatiques dénonçant l’adoptianisme espagnol.

Chrodegang (v. 715-766)

Originaire comme les Pippinides de l’ « Hasbengau », le pays de Liège, et membre d’une famille de l’aristocratie franque, Chrodegang fait carrière à la cour de Charles Martel, puis devient évêque de Metz en 741 ou 742. Au moment de la prise de pouvoir de Pépin en 747, il est considéré comme le chef de l’épiscopat franc. En 753, il est envoyé à Rome en ambassade auprès du pape Étienne II et reçoit le pallium l’année suivante. Considéré comme le successeur de Boniface, il prend la tête du mouvement réformateur de l’épiscopat franc et exerce une influence prépondérante aux synodes de Ver (755), Compiègne (757) et Attigny (762), tout en montrant un fort attachement au monachisme, comme l’atteste notamment son privilège pour l’abbaye de Gorze, fondée en 748. Faisant de Metz le centre du renouveau liturgique, il entreprend d’en réformer le clergé, élaborant à son intention entre 751 et 755 sa fameuse Règle des chanoines, qui rencontre un franc succès et sert de fondement aux règles canoniales postérieures. Il introduit à Metz divers usages romains concernant la lecture des textes liturgiques.

Claude de Turin (?-827)

Originaire d’Espagne, Claude arrive à Lyon vers 800, probablement en compagnie de Félix d’Urgel, exilé pour ses positions adoptianistes. Il se forme d’abord aux écoles de Lyon où il reçoit de Leidrat une initiation aux études bibliques, puis remplit la fonction de chapelain à la cour de Louis, alors roi d’Aquitaine. L’empereur le nomme évêque de Turin aux alentours de 817-818. Relançant la querelle autour du statut des images en Occident, il se fait remarquer par ses prises de position iconoclastes contre les images ornant les églises (croix y comprises), le culte des saints et les pélerinages, idées qu’il défend dans son Apologeticum adversus Theutmirum abbatem. Parallèlement, il mène une réflexion exégétique inspirée de la philosophie de saint Augustin et rédige plusieurs commentaires, parmi lesquels une Expositio super Matthaeum, seul écrit qui semble avoir eu quelque influence.

Dhuoda (IXe s.)

Aristocrate austrasienne et femme de lettres, Dhuoda épouse en 824 le comte Bernard de Septimanie, cousin germain de Charlemagne. Nous ne connaissons d’elle que son Liber manualis, un manuel d’éducation qu’elle compose entre 841 et 843 pour son fils aîné Guillaume, lorsque celui-ci entre au service de Charles le Chauve. Parfois considéré comme un testament spirituel, cet ouvrage se présente comme un manuel de vie chrétienne, en vers et en prose. Son auteur y explique les devoirs envers Dieu, envers les grands, ses proches et soi-même. Il offre un précieux témoignage sur la vie intérieure et sur la culture d’une femme de l’aristocratie dans le midi de la France.

Drogon (801-855)

Eucharistie
Eucharistie |

Bibliothèque nationale de France

Fils illégitime de Charlemagne, Drogon est confié par Louis le Pieux à un monastère. En 823, il est nommé évêque de Metz, avant de recevoir le titre d’archevêque en 834. En 833, au moment de la révolte de Lothaire, il demeure fidèle à Louis le Pieux et, lors de sa réclusion, agit en sa faveur. Au concile de Thionville qu’il préside en 835, il sanctionne les opposants à l’empereur. Ensuite, attaché à l’unité de l’empire, il se rallie à Lothaire Ier qu’il accompagne en Italie. À la demande du pape, il devient l’intermédiaire obligatoire entre l’épiscopat transalpin et la papauté.

Ebbon (775-851)

Frère de lait et bibliothécaire de Louis le Pieux, Ebbon monte sur le siège archiépiscopal de Reims en 816. À Reims, il déploie une activité réformatrice considérable, réorganisant le temporel, réglant la vie du chapitre, entreprenant la construction d’une nouvelle cathédrale et encourageant la production de manuscrits dans les monastères environnants. En 822, le pape le nomme légat pour les pays du Nord. S’étant entremis dans la querelle qui opposait Louis le Pieux à Lothaire, Ebbon est déposé et relégué à Fulda, sur décision de l’assemblée de Thionville (835). À la mort de Louis le Pieux, il retrouve un temps sa charge, pour être finalement destitué en 841 par Charles le Chauve. Réfugié alors auprès de Louis le Germanique, il obtient le siège de Hildesheim où il meurt en 851.

Saint Marc et grandes initiales IN marquant le début de son Évangile
Évangiles d'Ebbon
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Bibliothèque municipale d'Épernay

Éginhard (v. 770-840)

Éginhard écrivant
Éginhard écrivant |

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Né vers 770 dans la vallée du Main, Éginhard reçoit une formation littéraire à Fulda, puis à l’école du Palais de Charlemagne, où il fréquente de nombreux savants, dont Alcuin. Après le départ de ce dernier pour Saint-Martin de Tours, il est nommé par le souverain à la tête des bâtiments royaux et reçoit diverses missions diplomatiques. Sous le règne de Louis le Pieux, il est chargé de l’éducation de Lothaire. Il fonde plusieurs abbayes, en particulier Seligenstadt où il se retire dès 830. C’est là qu’il compose la Vita Karoli Magni imperatoris, texte qui rencontre un grand succès au Moyen Âge. Influencé par la Vie d’Auguste de Suétone, il brosse un vivant portrait de Charlemagne, tout en insistant sur la synthèse opérée par ce dernier entre l’idéal antique et celui de chef de la Chrétienté. Pour relater ses hauts faits, il s’appuie sur ses propres souvenirs, ainsi que sur les annales royales, bien que ces documents soient parfois traités avec désinvolture.

Florus de Lyon (fin 8e siècle-v. 860)

Traité contre Scot Erigéne
Traité contre Scot Erigéne |

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Né vers la fin du 8e siècle, Florus reçoit sa formation à l’école cathédrale de Lyon, dont il prend ensuite la direction. En qualité de diacre, il devient le conseiller de trois évêques de Lyon, Agobard, Amolon et Rémi Ier. Son œuvre couvre des domaines variés : la théologie (commentaire des lettres de Saint Paul), la liturgie (commentaire de la messe et martyrologe), le droit canon (élection des évêques) et la poésie. Il est également le pourfendeur des thèses d’Amalaire, Gottschalk d’Orbais et Jean Scot Erigène sur la question de la prédestination.

Fridugise (seconde moitié du 8e siècle-834)

Formé à York, il suit l’enseignement d’Alcuin. En 782, il accompagne son maître à la cour de Charlemagne, puis lui succède à la tête de l’abbaye de Saint-Martin de Tours. De 819 à 832, il exerce la charge de chancelier de Louis le Pieux. Érudit, il a laissé une vaste œuvre philosophique et théologique. Il est entre autres l’auteur de l’Epistola de nihilo et tenebris, un traité de théologie discutant l’œuvre d’Agobard, et du De substantia nihili et tenebrarum, son ouvrage le plus célèbre dans lequel il s’interroge sur la signification du rien, une question qui faisait alors l’objet de débats au sein de la société palatine.

Gottschalk d’Orbais (807-867/869)

Fils d’un comte saxon, il est offert comme oblat à l’abbaye de Fulda alors gouvernée par Raban Maur. Contraint de manière illégale à la tonsure par ce dernier, il proteste contre ses vœux dans le traité De oblatione puerorum adressé au synode de Mayence (829). Il obtient gain de cause, mais Raban Maur fait appel de sa décision et l’emporte. Gottschalk reste donc à Fulda, avant d’être envoyé à Corbie puis Orbais où il reçoit les ordres. C’est dans ce monastère qu’il vit plusieurs années en tant que moine et maître de l’école claustrale. Il y étudie la littérature patristique, et surtout saint Augustin dont il acquiert une grande connaissance. Mais il finit par s’échapper d’Orbais pour gagner Vérone, où il prône la double prédestination au bien et au mal jusqu’à son expulsion par Eberhard de Frioul. Il rentre en Germanie, où ses thèses hérétiques sont condamnées à deux reprises, en 848, puis en 849 au synode de Quierzy, et réfutées par nombre de théologiens contemporains, Hincmar en tête. La querelle se poursuit jusque dans les années 860, tandis que Gottschalk est retenu prisonnier par Hincmar au monastère d’Hautvillers, où il finit ses jours. Son œuvre se compose d’écrits théologiques et grammaticaux, de poèmes et de lettres.

Haymon d’Auxerre (?-865/866)

D’après les maigres renseignements biographiques dont nous disposons, nous savons qu’Haymon a exercé la fonction de maître à Saint-Germain d’Auxerre, où Heiric fut son disciple. Fondateur de la célèbre école d’Auxerre, il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands exégètes de son temps. S’appuyant sur les écrits des Pères de l’Église, il s’intéresse en particulier aux Chaînes sur les Petits Prophètes, au Cantique des Cantiques, aux Épîtres de saint Paul et à l’Apocalypse. Souvent attribués à tort à Haymon d’Halberstadt, ses écrits auront une grande influence au Moyen Âge, car ils proposent une synthèse des grands commentaires patristiques, tout en préfigurant la scolastique.

Heiric d’Auxerre (841-v. 876)

Formé auprès de Loup à Ferrières puis d’Haymon à Auxerre, ce savant enseigne à l’abbaye Saint Germain d’Auxerre jusqu’aux alentours de 876. Nous lui devons divers collectanea et gloses sur des auteurs antiques, comme Valère Maxime, Suétone, Pétrone, Juvénal, Perse et Prudence. Il collabore également à l’homéliaire d’Auxerre et rédige à la demande de Lothaire, fils de Charles le Chauve, une Vita sancti Germani, son œuvre la plus personnelle.

Hilduin de Saint-Denis (775-840/844)

Grande initiale F ornée pour la préface Festivitates
Grande initiale F ornée pour la préface Festivitates |

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Originaire de Lorraine et neveu d’Hildegarde, il est nommé en 814 abbé de Saint-Denis, dont il réforme la communauté suivant la règle bénédictine, puis est nommé archichapelain de l’empereur Louis le Pieux en 819. Lors des intrigues contre Louis le Pieux, il prend parti pour Pépin en 830, ce qui lui vaut de perdre son abbatiat et de s’exiler aux environs de Paderborn, puis à Corvey. Amnistié l’année suivante, il retrouve sa charge d’abbé de Saint Denis, qu’il perd à nouveau en 840, après avoir juré fidélité à Lothaire Ier. Pour la postérité, Hilduin reste l’auteur de la Vita sancti Dionysii et le traducteur des œuvres du Pseudo-Denys l’Aréopagite, que Louis le Pieux a reçues de l’empereur byzantin Michel II le Bègue en 827.

Hincmar (v. 806-882)

Mention des copistes
Mention des copistes |

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Né en 806 dans une famille noble d’origine franque, élevé à Saint-Denis à partir de 814, Hincmar devient moine dans cette abbaye. Il fréquente dans sa jeunesse la cour de Charlemagne avec l’abbé Hilduin, puis, plus tard, celle de Charles le Chauve. De 845 à sa mort en décembre 882, il occupe le siège de Reims, où il reprend en main le clergé après la vacance d’Ebbon. Durant les trente-six ans de son épiscopat, il déploie une vaste activité de juriste et de théologien, se consacrant à l’administration de son diocèse et de sa province ecclésiastique, s’efforçant de renforcer l’autorité des archevêques et des évêques au sein de l’Église et prenant une part active aux querelles théologiques autour des thèses de Gottschalk d’Orbais sur la prédestination et la Trinité. Dans le cadre de ses travaux d’historien, il encourage par ailleurs la copie de manuscrits dans les scriptoria environnants et contribue à enrichir la bibliothèque de Saint-Remi de Reims.

Hucbald de Saint-Amand (v. 840-930)

Élève d’Heiric d’Auxerre et de son oncle Milon de Saint-Amand, il séjourne comme moine à l’abbaye de Saint-Amand dont il prend la direction de l’école à la mort de Milon en 872. Il enseigne également un temps à Reims, sollicité par l’archevêque pour réorganiser les écoles de la ville. Considéré comme l’un des derniers représentants de la culture carolingienne, il est l’auteur d’une œuvre riche et variée. Nous lui devons un important traité de musique intitulé De harmonica institutione, qui a contribué à vulgariser les idées de Marcianus Capella et de Boèce, ainsi que le célèbre Éloge de la calvitie dédié à Charles le Chauve, dont les 136 hexamètres commencent tous par la lettre C, initiale de « calvitie ». Il est également computiste et hagiographe.

Jean Scot Érigène (v. 810-877)

La vie de cet Irlandais venu à la cour de Charles le Chauve en 847 demeure mal connue. Nous savons seulement qu’il enseigne les arts libéraux à l’école palatine et prend part à la controverse sur la prédestination lancée par Gottschalk d’Orbais, auquel il répond par un traité, De divina praedestinatione. Considéré comme le premier grand philosophe médiéval, sa connaissance du grec lui permet de traduire de nombreux ouvrages. Vers 858, Charles le Chauve lui commande une nouvelle traduction de la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys l’Aéropagite. Il est également l’auteur de commentaires de Martianus Capella, qui seront intégrés dans le cursus scolaire. Métaphysicien imprégné de philosophie néoplatonicienne, il rédige vers 862-866 le Periphyseon ou De divisione naturae, son œuvre majeure. Celle-ci se présente sous forme d’un dialogue dans lequel Érigène explique le rapport entre les créatures et Dieu et entre unité et pluralité, s’efforçant d’harmoniser les conceptions néoplatoniciennes et chrétiennes pour élaborer un système philosophique et théologique. Novatrices pour l’époque, ses théories annoncent la querelle des universaux au 8e siècle.

Jonas d’Orléans (av. 780-843)

Écriture caroline de Reims
Écriture caroline de Reims |

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Originaire d’Aquitaine, il succède à Théodulfe sur le siège d’Orléans dès 818 et devient le protégé de Louis le Pieux. Nous conservons de lui une œuvre hagiographique (la Vita sancti Huberti entre autres, rédigée en 825 à l’occasion du transfert des reliques de saint Hubert), des poèmes de circonstance et des ouvrages didactiques sur l’éducation des laïcs (De institutione laicali) et celle des princes (De institutione regia). Jonas compose ce dernier ouvrage à la suite des dissensions entre Louis le Pieux et ses fils, sans doute vers 831, pour justifier la supériorité du pouvoir clérical sur le pouvoir civil. Véritable manifeste des théories politico-religieuses en cours sur la fonction royale, ce traité qui préfigure les miroirs des princes, se présente comme un guide de conduite à l’usage des souverains. Vers 840, enfin, Jonas s’engage activement dans la querelle des images, réfutant les thèses iconoclastes de l’évêque Claude de Turin dans le traité De cultu imaginum qu’il dédie à Charles le Chauve.

Loup de Ferrières (805-862)

Mappemondes de Macrobe
Mappemondes de Macrobe |

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Moine à Ferrières, il part de 829 à 836 poursuivre son instruction dans le domaine des Écritures à Fulda auprès de Raban Maur. De retour à Ferrières, il est nommé abbé en 841. Fervent admirateur de l’Antiquité classique, il recherche les manuscrits anciens qu’il fait copier, annote et soumet à une critique textuelle rigoureuse. Il écrit par ailleurs de nombreuses vies de saints, des ouvrages théologiques sur la prédestination et entretient avec de nombreux intellectuels une abondante correspondance, pleine d’intérêt pour appréhender la vie quotidienne de son temps.

Nithard (9e siècle)

Serments de Strasbourg
Serments de Strasbourg |

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Membre de la famille impériale par sa mère Berthe, fille de Charlemagne, Nithard est un témoin privilégié des graves querelles dans lesquelles s’affrontent ses cousins Charles le Chauve, Lothaire et Louis le Germanique, les fils de Louis Le Pieux. Rallié à Charles le Chauve, il en écrit le récit à la demande de ce dernier. C’est par ce texte historique divisé en quatre livres que les Serments de Strasbourg nous sont parvenus. En 845, il succède à son père Angilbert comme abbé laïc de Saint-Riquier, puis meurt vers 858 ou 859 dans la guerre contre les Normands, à laquelle il participe depuis longtemps, défendant les côtes de la Gaule entre la Seine et l’Escaut. Au 11e siècle, à l’occasion de la découverte de sa dépouille à Saint-Riquier, Mico, un moine de cette abbaye, écrit pour lui une longue épitaphe.

Paschase Radbert (v. 790-860)

Né vers 790, Paschase Radbert reçoit son éducation auprès des moniales de Sainte-Marie de Soissons, puis entre comme moine à Corbie. Il y devient professeur puis abbé en 843 ou 844, mais démissionne de ses fonctions dès 849. En 826, il rédige une biographie d’Adalhard, abbé de Corbie, où il raconte la fondation de Corvey à laquelle il a participé quatre ans auparavant, puis une autre de son successeur Wala, l’Epitaphium Arsenii, où il fait allusion aux événements contemporains, prenant parti contre l’impératrice Judith et Bernard de Septimanie. Exégète et théologien, il s’illustre par deux ouvrages, un volumineux commentaire de saint Matthieu inspiré des Pères de l’Église et un traité sur l’Eucharistie, De corpore et sanguine Domini, dans lequel il défend le dogme de la transsubstantiation, contre Ratramne de Corbie.

Paul Diacre (dit Warnefried) (720/730-v. 799)

Né à Cividale dans une ancienne famille lombarde, Paul Diacre arrive à la cour du roi des Lombards à Pavie, où il entreprend des études de théologie et devient chancelier du roi Didier. Il entre au monastère du Mont-Cassin avant 774, car il est déjà moine lors de sa rencontre avec Charlemagne. C’est là qu’il écrit son Historia romana. En 782, Charlemagne le remarque, alors que Paul est venu à la cour s’occuper de la libération de son frère Arechis, détenu depuis la prise du royaume lombard par le roi franc, et le retient auprès de lui. Paul Diacre y reste plusieurs années. De passage à Metz vers 783, il rédige à la demande de l’évêque Angilram les Gesta episcopum Mettensium, dans lesquelles il retrace l’histoire des évêques de Metz depuis les origines, et écrit l’épitaphe d’Hildegarde, seconde femme légitime de Charlemagne. Rentré au Mont-Cassin en 786-787, il reste en contact avec la cour. Dans deux lettres adressées à l’empereur, il annonce un commentaire de la règle de saint Benoît aujourd’hui perdu, puis l’envoi pour la bibliothèque impériale d’un résumé du lexicon du grammairien Festus, attestant ainsi de la nature de ses relations avec le souverain. Il rédige aussi pour l’empereur son fameux homéliaire. Dans les dernières années de sa vie, il continue d’écrire son œuvre principale, l’Historia Longobardorum, témoignage poignant de son statut ambigu de moine et de Lombard, et de sa tristesse devant le sort de son peuple.

Paulin d’Aquilée (av. 750-802)

D’origine lombarde, il rejoint la France à la demande de Charlemagne et devient vers 776 professeur de grammaire à la cour. En 787, il est placé par le souverain sur le siège métropolitain d’Aquilée. Cependant, il s’éloigne à plusieurs reprises de son diocèse, pour accompagner les armées en campagne, évangéliser les peuples, notamment en Carinthie et en Styrie, et participer aux conciles de Rastibonne en 791-792 et de Cividale en 796-797 où il contribue à faire adopter le Filioque. Son œuvre d’écrivain est entièrement consacrée à des sujets théologiques et spirituels. Il réfute les théories adoptianistes dans deux traités, le Sacrosyllabus contra Elipandum et le Contra Felicem, et écrit pour le marquis Éric de Frioul le Liber exhortationis, sorte de miroir des princes brossant le portrait idéal du soldat chrétien. Nous avons également conservé de lui divers poèmes, chants et hymnes.

Pierre de Pise (v. 744-799 ? )

Diacre à Pise, il fut un grammairien célèbre en son temps. Il enseigne d’abord à Pavie, puis rejoint la cour de Charlemagne auquel il donne des cours de latin. Il fréquente Alcuin, Angilbert et Paul Diacre. À la fin de sa vie, il retourne en Italie où il meurt. Il dédie à Charlemagne un manuel de grammaire inspiré de l’Ars minor de Donat, rédige des poèmes épistolaires et des Quaestiones in Danielem prophetam.

Raban Maur (780-856)

Raban Maur adorant la Croix
Raban Maur adorant la Croix |

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Né à Mayence aux alentours de 780, il s’instruit à Fulda puis à Saint-Martin de Tours, auprès d’Alcuin. De retour à Fulda, il est nommé écolâtre, puis abbé en 822. Il tente alors de faire de l’abbaye un centre intellectuel et y favorise le développement du scriptorium et de la bibliothèque. En 842, défavorable à toute activité politique, lors de la défaite de Lothaire face à ses frères, il se démet de son abbatiat pour se retirer à Petersberg où il s’adonne à la science et aux exercices spirituels. Mais en 847, Louis le Germanique l’appelle à la tête de l’évêché de Mayence, alors vacant. Surnommé le « précepteur de la Germanie », il est l’auteur d’une œuvre abondante et variée, souvent à visée didactique. Il a écrit des poèmes, plusieurs traités grammaticaux, des commentaires sur Priscien, des sermons, des lettres, un comput, des commentaires bibliques, un traité sur l’éducation des clercs et, surtout, une encyclopédie inspirée des Étymologies d’Isidore de Séville (De universo ou De natura rerum) qui fut considérée comme un classique jusqu’au 13e siècle. Tous ses ouvrages témoignent de l’immense effort de rassemblement et de transmission des savoirs du monde carolingien.

Ratramne de Corbie (v. 800-ap. 870)

Moine à Corbie sous Adhalard, il y devient maître. Ses écrits reflètent les querelles doctrinales de son temps. À la demande de Charles le Chauve, il rédige en 843 le De corpore et sanguine Domini, un traité sur l’eucharistie, puis le De praedestinatione dans lequel il prend position dans le débat sur la prédestination attisé par Gottschalk d’Orbais. Sollicité également par le pape Nicolas Ier, il compose quatre livres sur les erreurs des Grecs. Son œuvre a nourri la réflexion théologique pendant le deuxième tiers du 9e siècle.

Rémi d’Auxerre (v. 841-908)

Ses origines et sa date de naissance exacte demeurent inconnues. Il est d’abord moine à Saint-Germain d’Auxerre où il reçoit l’enseignement d’Heiric. À la mort de ce dernier, il devient maître à son tour. En 893, l’archevêque de Reims Fulco l’appelle auprès de lui pour qu’il réorganise l’école cathédrale. Quelques années plus tard, à la mort de Fulco, il gagne Paris pour y poursuivre son enseignement. Tout au long de sa vie, il acquiert de solides connaissances dans les domaines du trivium et du quadrivium. Glossateur, il réalise une œuvre encyclopédique importante. Il rédige de nombreux commentaires de grammairiens et d’auteurs scolaires tels que Martianus Capella, Priscien, Donat ou Boèce, qui annoncent les développements futurs de la scolastique. Exégète, il commente également la Genèse, Isaïe, les Psaumes et l’Évangile de saint Matthieu.

Sedulius Scotus (9e siècle)

Nous ne savons presque rien de la vie de cet érudit irlandais, qui se rend sur le continent comme plusieurs de ses compatriotes. Entre 848 et 859, on trouve sa trace à Liège, où il bénéficie grâce à ses poèmes de la protection de l’évêque Hartgar. Versé dans l’étude du grec et de la littérature latine classique, il fait œuvre de grammairien, compose un Liber de rectoribus christianis sur les devoirs des princes chrétiens, commente les Épîtres de saint Paul dans son Collectaneum et écrit de nombreuses pièces de circonstance et des vers personnels qui font de lui le premier Goliard.

Smaragde de Saint-Mihiel (v. 780-v. 830)

La Chronique de Saint-Mihiel ne livre guère de renseignements sur Smaragde. Natif de Septimanie, il est d’abord moine à Saint-Maximin de Trèves, où il enseigne la grammaire de Donat. Au début du 9e siècle, il devient abbé de Castellion, monastère qu’il transfère ensuite à Saint-Mihiel, sur les bords de la Meuse. Sa grande culture lui vaut d’être le conseiller de Charlemagne puis de Louis le Pieux. À ce titre, il joue un rôle actif dans les débats sur le Filioque et se rend en 809 à Rome pour s’entretenir avec le pape à ce sujet. Partisan des idées de saint Benoît d’Aniane, il assiste au concile d’Aix en 816-817 et réforme son monastère suivant ces préceptes. Ses écrits portent sur la grammaire et la vie monastique. Il compose un commentaire sur Donat, le Liber in partibus Donati, véritable manuel de grammaire qui aura une grande influence. Il passe ensuite à la morale, rédigeant notamment le Diadema monachorum, un commentaire de la règle de saint Benoît destiné à l’instruction des religieux, et la Via regia, un miroir des princes dédié à Louis le Pieux, dans lequel il se montre favorable à un prince flexible devant l’Église. Il est aussi l’auteur de textes exégétiques sur les Psaumes et les péricopes des Épîtres et des Évangiles.

Théodulfe d’Orléans (v. 760-821)

Explicit avec le nom de Théodulfe
Explicit avec le nom de Théodulfe |

Bibliothèque nationale de France

Originaire de Septimanie ou d’Espagne, il est accueilli dans les années 780 à la cour de Charlemagne où il participe activement à la vie intellectuelle, composant de nombreux vers sur des sujets variés et intervenant dans les grands débats théologiques du temps. C’est à lui qu’a été récemment attribuée la rédaction, totale ou partielle, des Libri carolini, un long traité destiné à réfuter l’adoration des images prônée par les Byzantins lors du second concile de Nicée de 787. En 798, Théodulfe est nommé évêque d’Orléans et abbé de plusieurs monastères de la région, dont Fleury-sur-Loire. À la mort d’Alcuin (804), il devient le conseiller du roi pour les affaires théologiques. En 818, accusé d’avoir participé à la conjuration contre Louis le Pieux, il est exilé à Angers où il finit ses jours. Évêque éminent, Théodulfe déploie durant son épiscopat une activité pastorale considérable, veillant au respect du culte liturgique et de la discipline du clergé et favorisant la création d’écoles paroissiales. Il travaille à une révision du texte de la Bible, qu’il s’efforce de rapprocher des versions hébraïques.

Walafrid Strabon (808/809-849)

Souabe d’origine modeste, Walafrid Strabon étudie au monastère de Reichenau, puis à Fulda, auprès de Raban Maur. Il est recommandé par Hilduin à Louis le Pieux, qui le nomme précepteur du futur Charles le Chauve. En 838, il devient abbé de Reichenau. Expulsé de son abbaye pour sa fidélité à Lothaire après la mort de Louis le Pieux, Walafrid Strabon est contraint de se réfugier à Spire sous la protection de Lothaire lorsque Louis le Germanique conquiert l’Alémanie. En 842, il est autorisé à regagner son abbaye et se réconcilie avec Louis le Germanique lors du traité de Verdun l’année suivante. Il meurt en 849 sur les bords de la Loire, au cours d’une mission diplomatique auprès de Charles le Chauve. Outre quelques travaux d’exégèse (commentaire des Psaumes), d’histoire de la liturgie (De exordiis et incrementis quarundam in observationibus ecclesiasticis rerum) et d’hagiographie (abrégé de la Vie de Charlemagne par Éginhard, Vie de saint Gall, Vie de saint Mammas, etc.), Walafrid doit sa réputation à son abondante œuvre poétique. Spécialiste de la métrique, il compose en 835 l’un de ses textes les plus célèbres, la Visio Wettini, premier exemple dans l’Occident médiéval de pèlerinage vers l’au-delà qui préfigure la Divine Comédie. Ce texte poétique est tiré du récit en prose de Heiton de Reichenau, qui relate la vision qu’aurait eue Wetti, l’un des maîtres de Walafrid, de l’enfer et du paradis. Nous lui devons également le Liber de cultura hortorum, une pièce de 144 hexamètres adressée à l’impératrice Judith, dans laquelle il livre une description minutieuse et pleine de verve des fleurs et des plantes cultivées dans le jardin de l’abbaye de Reichenau.