Trois caractéristiques de l'économie des aventuriers de haut vol : l'importance du jeu et de la dépendance des occasions ; la dépendance de l'accueil et de l'hospitalité offerte ; l'imitation forcenée du train de vie de la noblesse.
Entre l’accueil et le rejet, les aventuriers trouvent un équilibre fragile dont on découvre les clefs chez ceux qui ont écrit leur vie et qui ont su transformer en œuvre leur transaction avec la société. C’est ainsi qu’ils révèlent, Casanova en tête, les clefs de leur écho, quelquefois de leur succès. Ils ont assimilé les codes exigés, politesse, costume, sens du jeu social, usage des relations. Ils savent manier les demandes et les réponses dans le théâtre de tous ceux qui veulent parvenir, et dans la république des lettres, ils savent fréquenter et imiter ceux qui donnent le ton. Voltaire fait sentir cela dans une lettre : « Jean-Jacques Rousseau est aussi fou que les D’Éon et les Vergy, mais il est plus dangereux » ; au reste, on sait qu’il ne sera pas séduit par Casanova*.
C’est sans doute la limite principale de l’existence aventurière, où la vie, ses intrigues, ses ressorts, deviennent l’œuvre, même dominée par la mobilité, l’instrumentalisation de l’imposture. La hantise des aventuriers, c’est la paralysie, car seul le mouvement permet de renouveler la demande et l’offre nécessaires à un besoin de société neuve et de changement d’état : Casanova fait entendre cela au terme de sa vie, figée définitivement dans l’immobilité et comme une déchirure décisive dans l’illustration du grand livre du monde, le triomphe du théâtre et des mirages de l’aventure.