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Un couplet de Crébillon fils

Histoire de ma vie
Un couplet de Crébillon fils
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Transcription du texte :
« [Peu de temps après, le pape étant mort on lui donna pour successeur le Vénitien Rezzonico qui créa d’abord cardinal mon protecteur de Bernis, que le Roi envoya en exil à Soissons deux jours après qu’il lui en donna le bonnet : ainsi me voilà] sans protecteur ; mais assez riche pour ne pas sentir ce malheur. Cet illustre abbé au faîte de la gloire pour avoir détruit tout ce que le cardinal de Richelieu avait fait, pour avoir su de concert avec le prince Kaunitz métamorphoser l’ancienne haine des maisons de Bourbon, et d’Autriche en une heureuse alliance délivrant par là l’Italie des misères de la guerre dont elle devenait le théâtre à toutes les ruptures qui arrivaient entre les deux maisons, ce qui lui mérita la première nomination au cardinalat d’un pape qui étant évêque de Padoue avait connu tout son mérite, ce noble abbé enfin qui mourut l’année passée à Rome particulièrement estimé de Pie VI fut renvoyé de la cour pour avoir dit au roi, qui lui avait demandé là dessus son avis, qu’il ne croyait pas que le prince de Soubise fût l’homme le plus propre à commander ses armées. D’abord que la Pompadour le sut du roi même, elle eut le pouvoir de le précipiter. Sa disgrâce déplut à tout le monde ; mais on s’en consola par des couplets. Nation singulière qui devient insensible à tous les malheurs d’abord que des vers qu’on dit – ou qu’on chante la font rire. On mettait dans mon temps à la Bastille les auteurs d’épigrammes, et de couplets qui frondaient le gouvernement et les ministres ; mais cela n’empêchait pas les beaux esprits de poursuivre à égayer les sociétés, car alors le terme club n’était pas connu, avec leurs satiriques plaisanteries. Un homme, dont j’ai oublié le nom, s’appropria dans ce temps-là les vers suivants, qui étaient de Crébillon le fils, et se laissa mettre à la Bastille plutôt que les désavouer. Ce même Crébillon dit à M. le duc de Choiseul qu’il avait fait ces mêmes vers ; mais qu’il se pouvait que le détenu les eût faits aussi. Ce bon mot de l’auteur du Sopha fit rire, et on ne lui fit rien.


Grand Dieu ! Tout a changé de face.Jupin opine du bonnet,Le Roi Vénus au conseil a pris place, La PompadourPlutus est devenu coquet,M. de BoulogneMercure endosse la cuirasse, Le Mar. de Richelieu Et Mars a le petit collet.
Le duc de Clermont,
abbé de St-Germain-des-Prés »

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1789-1798
  • Lieu
    Dux
  • Auteur(es)
    Giacomo Casanova (1725-1798), auteur
  • Provenance

    BnF, Département des Manuscrits, NAF 28604 (4) fol. 134v

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm126200281f