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Illustrer pour orner, expliquer, convaincre

Porteurs de vajra dans le sûtra du diamant
Porteurs de vajra dans le sûtra du diamant

Bibliothèque nationale de France  

Le format de l'image est incompatible
Ce ne sont plus des esquisses mais des dessins achevés qui ornent les manuscrits et les feuillets mobiles. Parallèlement au corps de métier spécifique de copiste de sûtras, s’est développée, parmi les peintres, la spécialité de « copiste illustrateur ».

Des spécialistes du travail en série

Toute l’imagerie bouddhique repose sur des canons : contraint d’observer des règles strictes et codifiées, le peintre disposait d’une marge d’action restreinte pour diversifier l’apparence des œuvres sacrées. Quelques exemples montrent l’application des artisans à se conformer respectueusement aux modèles. Le copiste illustrateur, tout comme son homologue calligraphe, est un spécialiste du travail en série pour lequel le respect des canons prime sur l’effet esthétique. Le dessin à caractère technique ne vise pas non plus à décorer mais à rendre explicite.

Deux croquis de bodhisattvas
Deux croquis de bodhisattvas |

Bibliothèque nationale de France

Deux croquis de bodhisattvas
Deux croquis de bodhisattvas |

Bibliothèque nationale de France

Sans enfreindre les prescriptions, le « peintre copiste » réussit souvent à varier les effets par des modifications de couleurs ou en puisant dans le répertoire de motifs à sa disposition. Les dessins et peintures de Dunhuang, très rarement identiques, se présentent comme des variations sur le thème inépuisable du bouddhisme.

En frontispice, des invocations religieuses

Guanyin assise sur un trône de lotus
Guanyin assise sur un trône de lotus |

Bibliothèque nationale de France

L’iconographie pénètre également l’univers du livre, principalement bouddhique, toutefois il n’existerait, semble-t-il, aucun manuscrit illustré avant la fin du 8e siècle. L’image s’ajoute de plus en plus fréquemment en ouverture d’un texte, devant le premier feuillet ; ce frontispice n’est pas, dans ce contexte religieux, destiné à faire vendre ou à appâter le lecteur, comme il le deviendra plus tard dans l’édition commerciale. L’illustration justifie sa présence par son pouvoir d’invocation de la divinité sous la protection de laquelle est placé le texte sacré, par exemple la figure tutélaire de Guanyin ; elle s’installe aussi au début des livres comme une invitation, aux porteurs de vajra, par exemple. Des dessins de taille modeste viennent s’insérer au commencement et à la fin de sûtras, notamment dans des livrets personnels pour favoriser la méditation individuelle ; malgré un apport de riches couleurs, qui va jusqu’à l’ajout de quelques touches d’or, il s’agit moins d’une recherche artistique que d’une manifestation de dévotion.

Un autre exemple d’image servant de véritable support de méditation est un rouleau détaillant la gestuelle symbolique des mains. Le dessin s’adresse à l’initié ou au spécialiste et lui vient en aide lorsque les mots seuls ne peuvent suffire : dans le rouleau de physiognomonie, l’illustration technique s’avère nécessaire à l’identification des zones morphologiques que le texte ne peut rendre de manière suffisamment précise.

Recueil de gestuelle symbolique des mains
Recueil de gestuelle symbolique des mains |

Bibliothèque nationale de France 

Des feuillets mobiles

Le très saint bodhisattva Dizang
Le très saint bodhisattva Dizang |

Bibliothèque nationale de France

Le format du livre se cherche en cette époque de transition du rouleau au codex ; l’imagerie sainte se propage aussi par des feuillets mobiles indépendants, produits sans doute pour servir d’autels portatifs. Deux planches ornées d’une iconographie standard sont représentatives de la production en série aux 9e et 10e siècles : l’une est un bouddha destinée à la copie manuelle, l’autre, une représentation du bodhisattva Dizang, est un des premiers spécimens au monde de document imprimé.
Des peintures sur papier, à l’encre rehaussées de couleurs permettent de constater que des images saintes d’un moindre coût pouvaient se substituer aux luxueuses bannières sur soie. Moins somptueusement colorées, juste égayées de quelques aplats aux teintes franches, elles laissent à découvert la structure originelle du trait et, par ce biais, témoignent de l’émergence d’un goût nouveau qui annonce la direction prise par l’illustration du livre pendant un millénaire et l’introduction d’une nouvelle esthétique dans la peinture qui privilégie le trait noir au détriment de la polychromie.

Sûtra des dix rois de l’enfer
Sûtra des dix rois de l’enfer |

Bibliothèque nationale de France

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition « Chine, l’Empire du trait » présentée à la Bibliothèque nationale de France en 2004. 

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