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Palais européens du Yuanmingyuan, le jardin de la Clarté parfaite

Façade orientale du Palais de la mer calme
Palais européens du Yuanmingyuan, le jardin de la Clarté parfaite
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Constituant un lieu de promenade aussi exotique pour l’empereur de Chine que pouvaient l’être pour ses contemporains européens les pagodes et parcs à la chinoise édifiés en Europe, ce lieu présentait la quintessence de l’art occidental en Chine. Le point de départ de la création de ce nouveau jardin impérial fut le désir exprimé par Qianlong de posséder une fontaine, comme il avait pu en voir l’image dans un album présenté par les missionnaires. En 1747, débuta l’aménagement des palais occidentaux, lié à celui du jardin de l’Éternel Printemps, commencé vers 1745.

Cette manière européenne de capter l’eau – élément dont on connaît l’importance dans l’agencement du jardin chinois – et de la faire rejaillir, donna envie à l’empereur d’édifier une fontaine. Ces jeux d’eau n’étaient pas totalement inconnus puisque des jets et fontaines avaient déjà été installés auparavant par des Européens sous les Ming, au 17e siècle, puis sous les règnes de Kangxi et de Yongzheng. Mais le projet de Qianlong donna lieu à la construction de machineries beaucoup plus compliquées qu’auparavant. Ce fut le père Benoist (1715-1774), astronome français ayant des connaissances en hydraulique qui fut désigné comme fontainier de l’empereur, tâche pour laquelle il n’avait aucune expérience mais dont il acquit la connaissance nécessaire dans les ouvrages disponibles à Pékin. D’autres fontaines furent ensuite implantées, autour desquelles on construisit, comme toiles de fond, plusieurs bâtiments de style européen dont certains contenaient les machineries. L’empereur était peut-être moins fasciné par l’architecture de ces fabriques qui lui était proposées, faites de pierre, un matériau jamais employé pour les pavillons chinois, si l’on se base sur des réflexions entendues par ailleurs dans les milieux chinois et notés par Attiret : « Aussi leurs yeux, accoutumés à leur architecture, ne goûtent pas beaucoup notre manière de bâtir. Voulez-vous savoir ce qu’ils en disent lorsqu’on leur en parle, ou qu’ils voient des estampes qui représentent nos bâtiments ? Ces grands corps de logis, ces hauts pavillons les épouvantent ; ils regardent nos rues comme des chemins creusés dans d’affreuses montagnes, et nos maisons comme des rochers à perte de vue, percés de trous, ainsi que des habitations d’ours et d’autres bêtes féroces. Nos étages surtout, accumulés les uns sur les autres, leur paraissent insupportables [...]. Il faut, disait l’empereur Kangxi, en voyant les plans de nos maisons européennes, il faut que l’Europe soit un pays bien petit et bien misérable, puisqu’il n’y a pas assez de terrain pour étendre les villes, et qu’on y est obligé d’y habiter en l’air. »

Comme pour les autres parcs, l’empereur souhaita qu’en soient dessinées les vues les plus remarquables. Non seulement les gravures montrent une architecture étrangère, mais leur composition reflète une conception totalement nouvelle : en effet, contrairement aux édifices chinois qui se fondent dans le paysage et n’occupent jamais la totalité de l’image, la position frontale et la symétrie des bâtiments européens, l’effet de perspective et la rareté des éléments végétaux figurés comme des décorations figées - arbres taillés et alignés selon les principes de l’art topiaire - font de ces planches exécutées selon une technique très peu répandue en Chine, des images certainement étranges pour des yeux chinois.

Le parc était pourvu d’un labyrinthe, construction inconnue jusqu’alors en Chine, réalisé pour son caractère ludique et sans aucune implication religieuse ; cependant la sinuosité du parcours devait trouver un écho dans la conception géomantique du paysage chinois. Du 16e au 18e siècle, les labyrinthes ornaient couramment tous les grands jardins d’Europe. Très curieusement, celui que Castiglione créa pour Qianlong occupait une surface proportionnellement beaucoup plus importante par rapport à l’ensemble qu’habituellement. Il présentait aussi un caractère unique du fait qu’il n’avait pas été réalisé avec des éléments végétaux mais par de la maçonnerie de briques. Sur la planche, on remarque des arbustes qui ornent étrangement le sommet des murets. Ce labyrinthe était entouré d’un mur et d’un fossé rempli d’eau sur trois côtés que l’on franchissait par un pont et auquel on accédait notamment par le portail nord, Huayuan men bei.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1783
  • Lieu
    Pékin, Chine
  • Auteur(es)
    Yi Liantai, graveur
  • Description technique
    20 gravures en taille-douce montées sur doubles pages et encadrées de soie, planches : 64,3 x 97,5 cm, gravures : 49,5 x 86,5 cm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE OE-18 (A)-FOL, planche 4

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmr9bsh514s8