Les enfers

   

Le ciel de Satan
Pour faire face aux nombreuses épreuves qui l’attendent, le mort, prévoyant, emporte avec lui un guide "le livre des morts" qui lui sert de viatique jusqu’à ce que, accompagné d’Annubis, le dieu embaumeur, il se présente devant Osiris, entouré de quarante autres dieux, qui pèse son âme sur une immense balance.
À la question que se sont posé tous les hommes "où va-t-on après la mort ?", l’église catholique répond, "au ciel pour les bons, aux enfers pour les mauvais".
   

Voyage du prophète
Muhammad
L’enfer n’est pas une spécificité de la religion chrétienne. Toutes les cultures ont conçu une vie dans l’au-delà, au départ comme un prolongement de la vie terrestre. Puis apparaît le thème du jugement des actes du vivant et de la "pesée de l’âme" conduisant à une répartition entre élus et damnés. Un espace spécifique est alors affecté à ces derniers, condamnés en raison de leurs fautes à des souffrances et supplices éternels.
    
Ainsi, les enfers babyloniens accueillent tous les défunts sans notion de faute ou de réparation. Mais déjà en Égypte, on "juge" les morts : le défunt accomplit un voyage périlleux vers la salle du jugement, à travers lacs de feu, imposantes murailles et hautes montagnes.
   
Pour faire face aux nombreuses épreuves qui l’attendent, le mort, prévoyant, emporte avec lui un guide "le livre des morts" qui lui sert de viatique jusqu’à ce que, accompagné d’Annubis, le dieu embaumeur, il se présente devant Osiris, entouré de quarante autres dieux, qui pèse son âme sur une immense balance..
   
Si son âme est aussi légère que la plume symbolisant Maât, déesse personnifiant la droiture et l’équilibre, le mort est promis à une survie éternelle ; sinon, il est dévoré par un monstre hybride tenant à la fois de l’hippopotame, du lion et du crocodile.
    

Les hérétiques vaudois
Le royaume des Enfers dans la Grèce antique n’est pas non plus immédiatement accessible au mort. Les âmes doivent d’abord franchir l’Achéron, fleuve glacé aux eaux presque stagnantes qui coule parallèlement au Styx et le fleuve de flamme Phlégéton. Le royaume d’Hadès se divisera plus tard en deux espaces : le Tartare, lieu des supplices et les Champs Elysées, lieu des justes. Quelques personnalités célèbres hantent les enfers : les trois juges, Minos, Eaque et Radamanthe pèsent les âmes. Charon, le passeur, exige son obole pour faire traverser l’Achéron au défunt. Cerbère, le chien aux trois têtes, garde le palais d’Hadès.
    

Les hérétiques vaudois
(détails)
    
Les Erinyes aux cheveux ensanglantés, grouillant de serpents, rôdent dans le Tartare.
Sous des formes diverses, l’enfer existe dans toutes les traditions. Il a connu dans le Moyen Âge chrétien, période de trouble et de grandes mutations, un retentissement particulier.
      

Les sept anges aux
trompettes
L’enfer chrétien 

L’enfer chrétien ne s’appuie pas sur de longs développements dans les évangiles mais plutôt sur une élaboration, soigneusement construite au cours des siècles, rassemblant les traditions populaires, un fond mythologique et de savantes constructions intellectuelles. À la fin du Moyen Âge, les visions, les sermons et l’art ont abouti à édifier une terrible menace qui pèse en permanence sur la vie des fidèles. Dante présente l’apothéose d’un enfer médiéval où les méchants sont punis avec d’extraordinaires raffinements.

     

(détail)
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(détail)
Parmi les neuf cercles qui constituent l’abîme infernal, les quatre cercles du Bas Enfer sont situés à l’intérieur d’une ville semblable, avec ses murailles, sa tour et sa porte, à une cité médiévale. Les cinq cercles supérieurs, extérieurs à la cité de Dis, forment le Haut Enfer. Les violents, les fraudeurs et les traîtres ont péché consciemment par méchanceté et leur faute relève du Bas Enfer. L’enfer supérieur se subdivise selon les péchés capitaux et met en jeu des supplices correspondant rigoureusement aux fautes commises.
Dans le vestibule des enfers, tournent en rond pour l’éternité les lâches, les indécis, les tièdes, ceux qui n’ont jamais su choisir leur camp.
     

Revenir des enfers :

Dans la Divine Comédie, la visite de Dante guidé par Virgile dans un enfer rigoureusement structuré met fin à une longue tradition de descentes aux Enfers amorcée au deuxième millénaire avant notre ère, dans le mythe mésopotamien de Gylgamesh où Enkikou raconte sa descente aux enfers.

     
 
Thésée, Orphée, Achille, Ulysse, reviendront eux aussi des enfers pour mieux édifier les vivants par leurs descriptions. Ainsi, dans l’Enéide de Virgile, livre V, Enée visite les enfers : "Dans le vestibule même, à l’entrée des gorges de l’Orcus, le Deuil et le Remords vengeur ont fait leur lit ; là habitent les pâles Maladies, et la triste Vieillesse, et la Crainte, et la Faim mauvaise conseillère, et la hideuse Pauvreté, formes terrible à voir, et la Mort, et la souffrance ; puis le Sommeil, frère de la mort, et les Joies mauvaises de l’esprit, et, sur le seuil en face, la Guerre meurtrière, et les chambres de fer des Euménides, et la Discorde insensé avec sa chevelure de vipères nouée de bandelettes sanglantes.
     

La Cité de Dieu (détail)
Au milieu, un ormeau opaque, énorme déploie ses rameaux et ses branches séculaires, demeure, dit-on, des vains songes fixés sous toutes les feuilles. En outre, mille fantômes monstrueux de bêtes sauvages variées s’y rencontrent : les Centaures, à l’écurie devant les portes, et les Scylles biformes, et Briarée aux cent bras, et le monstre de Lerne poussant des sifflements horribles, et la Chimère armée de flammes, et les Gorgones, et les Harpyes. Tremblant alors d’une subite épouvante, Enée saisit son glaive et en présente la pointe acérée aux monstres qui l’observent".
     

La Cité de Dieu (détail)
Mais où se trouve l’enfer ?

Dans les mythologies païennes comme dans la tradition populaire médiévale, l’enfer se trouve sous la terre.

L’entrée de l’enfer est majoritairement située dans les régions volcaniques de la Sicile ou du sud de l’Italie.

Ainsi, le pape Grégoire le Grand, au début du VIIe siècle, affirme "plus qu’en tous autres lieux, c’est dans les îles de cette terre (la Sicile) que sont ouvertes les marmites des tourments qui crachent le feu".

     

La Cité de Dieu
L’enfer aujourd’hui

À partir du XVIIIe siècle, les esprits éclairés commencèrent à prendre leur distance avec le diable. Le mal n’a pas pour autant disparu. Et quand Sartre écrit "L’enfer c’est les autres", l’homme sait, après Auschitz et Hiroschima, que l’enfer n’est pas obligatoirement "infra", sous la terre, mais tout simplement parmi nous.

     
Pour en savoir plus :

des revues :
- Le magazine littéraire n° 356, juillet-août 1997. L’Enfer.
- Satan et son empire.
Notre Histoire, n° 143, avril 1997.

des livres :
- Georges Minois : Histoire des Enfers, Fayard 1991 et Histoire de l’Enfer, P.U.F., collection Que sais-je ?

- J. Delumeau : La peur en Occident, Fayard, 1978 et Le péché et la peur, Fayard, 1993.

- B. Teyssère : Naissance du diable, Albin Michel, 1985

   
        
   
Pistes pédagogiques : Explorer le thème de l’enfer dans la littérature (mais aussi dans le cinéma, la bande dessinée, la science fiction).

chez Dante
- La Comédie. Dante Alighieri, Imprimerie nationale, 1997
- Œuvres complètes Dante Alighieri, Christian Bec. La Pochothèque, Le livre de poche, 1997.
chez Bossuet
- Bossuet Sermons et Oraisons funèbres, Le Seuil, collection Points sagesse, 1997.
chez Goethe
- Goethe Faust I et II, Flammarion, 1984 ;
- Faust, revue Europe, janvier-février 1997.
chez Flaubert
- La tentation de saint Antoine, Folio, 1983.
chez Rimbaud
- Une saison en enfer.
chez Barbey d’Aurevilly
- Les Diaboliques.
chez Huysmans
- À Rebours
chez Sarthe
- Huis Clos
chez Bernanos
- Sous le soleil de Satan.