Iles mystérieuses, îles merveilleuses

  
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Images des îles dans l'Atlas catalan
Un microcosme à part

Nous devons sans doute aux Grecs la place particulière que tiennent encore les îles dans notre perception de l'espace terrestre. Petit espace clos, aisé à circonscrire puis à découvrir d'un lieu élevé d'où promener un regard circulaire ; lieu d'élection pour la foi (Mont Saint-Michel, Jersey) ou refuge, l'île est difficile à découvrir, ce qui en fait son prix si l'on veut s'y retirer ou y cacher un trésor. Les atlas insulaires, malgré leur souci du détail et leur réalisme, oublient parfois les coordonnées géographiques permettant de trouver l'île au milieu de la mer.

L'île vagabonde au péril des flots, métaphore de la condition humaine, procède de la difficulté du repérage en mer. Les Canaries, Madère, les Açores sont autant de petites têtes de pont avant le grand saut dans l'Océan, ultime sauvegarde au départ, ou bien avant-ports du continent au retour. Encore faut-il les atteindre exactement au milieu de l'immensité marine ; bien des navigateurs malheureux ont cru aux îles fantômes.
 
Les îles prennent parfois, sur les cartes du Moyen Âge et de la Renaissance, un contour schématique et des couleurs vives, différentes de celles des continents. C'est la trace d'une distinction antique, entre continents et îles, ces dernières formant une catégorie à part entre le monde terrien et le monde marin, un peu comme Platon mettait à part les marins, entre les vivants et les morts. Limites du monde connu, telles furent pendant quinze ou vingt siècles dans l'imagination des Occidentaux, les grandes mystérieuses, Thulé au nord, les Iles Fortunées à l'ouest, Taprobane à l'est.
Petit monde autonome, l'île est pensée comme un microcosme, surtout si le monde habité est entouré par l'Océan. L'oekoumène considéré comme une grande île, les terres à découvrir sont aussi imaginées comme des îles. Le cosmos lui-même sera pensé comme un vaste ensemble d'archipels.
  

Images des îles
dans l'Atlas catalan

  
 

Un éblouissement

Les archipels colorés de l'Atlas catalan ou de l'Atlas Miller donnent l'image de ce que représente une île pour un contemporain des découvertes. Leurs teintes ont pour fonction de suggérer ce que l'on espère y trouver : or, émeraudes, rubis, saphir... Les cartographes mentionnent aussi le poivre, la cannelle, la noix muscade, le santal et le clou de girofle devenus indispensables pour accommoder les plats occidentaux : Illas Especearia (îles d'épicerie) telles sont les fameuses Moluques où les Portugais s'installent à partir de 1511.

D'autres îles célèbres des mers chaudes ont alimenté les débats géographiques et les rêves de voyages fabuleux. Taprobane, est localisée dès l'Antiquité au sud de l'Inde, assimilée à Ceylan sur l'Atlas catalan, puis ensuite à Sumatra. Sa richesse est un démenti éclatant au dogme de la zone torride inhabitable. On croit alors que dans ce pays de l'éternel été avec une végétation toujours verte et fleurie, la terre doit être nécessairement très fertile, et que le Soleil y engendre l'or et les pierres précieuses.

  

"Dans la mer des Indes il y a 7 548 îles, desquelles je ne peux dire toutes les merveilleuses choses qui sont en elles, d'or, d'argent et d'épices et de pierres précieuses."

"Mer des îles des Indes où sont les épices, en laquelle mer naviguent nombre de navires de divers peuples, et où l'on trouve III sortes de poissons qui s'appellent sirènes, une espèce est moitié femme et moitié poisson et l'autre moitié femme et moitié oiseau."

Cartouches de la sixième feuille de l'Atlas catalan.