Le paradis

  

Le jardin des délices
Le jardin des délices

Pour les chrétiens l'aspiration au salut éternel se concrétise dans la vision de la Jérusalem céleste "ayant la clarté de Dieu" et "ne manquant ni de Soleil ni de Lune". À la fin des temps, le livre de l'Apocalypse laisse espérer la descente de la Jérusalem céleste sur Terre. Comme la Bible ne dit pas que le jardin d'Eden a disparu, sa localisation terrestre a longuement été recherchée depuis l'Antiquité par les exégètes, les cosmographes et les voyageurs. Le mot paradis, d'origine perse, repris en hébreu (pardès) et en grec (paradeisos), signifie verger entouré de murs et correspond au jardin décrit dans la Genèse. Adam et Ève auraient vécu quelques jours dans le pays d'Eden au sein du "jardin des délices" source de quatre fleuves nommés Pishôn et Gihôn (longtemps pris pour le Gange et le Nil), Tigre et Euphrate. Ce verger toujours verdoyant sous un éternel printemps, agité d'une douce brise et bruissant de chants d'oiseaux, abondait en fleurs et fruits multicolores et parfumés ; là vivaient des animaux pacifiques et se trouvaient à profusion or et pierres précieuses. Un mur le séparait du reste du monde (mur de feu ou "mur" d'eau) et ce jardin-clos était devenu au Moyen Âge un symbole de virginité et de vie monastique ou d'idéale insularité.

  

Le paradis terrestre

Le paradis terrestre
(détail)
Une quête universelle

Dans une perspective géographique, l'image du paradis terrestre est à relier au contexte méditerranéen et proche-oriental, marqué par le désert et l'eau rare. Le jardin y est la figure idéale du bonheur, protégé de l'extérieur et rendu possible par l'abondance de l'eau. La croyance en sa localisation orientale résultait des deux noms de fleuves connus et d'une ambiguité de la traduction latine du texte biblique, la formule a principio (au commencement) ayant été comprise comme ad orientem (à l'est). La croyance qu'il avait échappé au Déluge impliquait une situation très élevée, au sommet d'une montagne qui n'était pas loin de toucher au cercle de la Lune, ce qui en faisait le château-d'eau de la Terre. Toutes les localisations géographiques ont peu à peu été imaginées : on a cherché à l'est, en "haut" de la Terre, aux confins du ciel des cartes en T.O. (Ceylan, Sumatra, la Chine ou l'Inde = Eden); on a cherché au nord, puis au sud puisque Thomas d'Aquin le suggérait "sous l'équateur en un lieu très tempéré"... On a cherché en Éthiopie, Arménie, Mésopotamie, Palestine. À l'ouest, Christophe Colomb qui se croyait sur le rivage oriental de l'Asie était persuadé qu'il allait le trouver en remontant l'Orénoque.

  

Le paradis terrestre
(détail)

Sa présence est parfois mentionnée sur les mappemondes jusqu'aux XVIe et XVIIe siècles, preuve de l'imprégnation religieuse dans la cosmographie. Simultanément, dans le contexte des efforts scientifiques pour maîtriser l'espace et le temps, les mêmes espoirs qui avaient tendu à la recherche géographique du paradis conduisaient à de savants et vains calculs pour fixer le jour de la création du premier homme (vendredi 25 mars à l'aurore) et de la sortie du paradis (le vendredi suivant à 16 heures) à une date située entre 4051 et 3928 avant Jésus-Christ.
Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'on voit dans le paradis terrestre une forme du mythe antique de l'âge d'or et qu'est abandonnée l'idée d'en retrouver le lieu sur la Terre. Il avait été un stimulant pour les voyages de découvertes. Désormais "céleste" et abstrait, le paradis devient pour la plupart des chrétiens un lieu immatériel sans rapport physique avec le firmament.


"Paradis terrestre, on dit que c'est la plus haute terre du monde, et est en orient au commencement de la terre. Et est si brillante qu'elle touche bien près du cercle de la lune, par lequel la lune fait son tour."
Jean de Mandeville, Voyages autour de la Terre, (1356), édit. par C. Deluz, La Roue à Livres, 1993.