La Terre au centre d'un univers sphérique

  
Le contexte politique

Les philosophes, mathématiciens et astronomes à l'origine de la démarche scientifique sont imprégnés des nouvelles conceptions politiques nées dans les cités grecques. Comme le foyer est le cœur de la maison et l'agora le centre de décision d'une cité où les citoyens sont liés entre eux par des relations de symétrie et d'égalité, de même la Terre est le foyer fixe au centre de l'univers. La géométrisation de l'espace politique instaurée à Athènes par les réformes démocratiques de Clisthène à la fin du VIe siècle, se retrouve dans leur vision de l'univers.

  

Sur les distances et
les grandeurs du
Soleil et de la Terre

détail
Le progrès intellectuel

L'idée que le cosmos puisse être sphérique marque un progrès important par rapport à la conception antérieure d'une voûte céleste. L'univers semble tourner d'un mouvement régulier et le premier ouvrage d'astronomie antique qui nous soit parvenu, La sphère en mouvement (Autolycos de Pitane, 330 av. J.-C.), montre que cette sphère apparait différente suivant les lieux d'où on l'observe : au pôle, les étoiles ne se lèvent ni ne se couchent, mais tournent concentriquement autour de la Polaire ; à l'équateur, toutes se lèvent et se couchent perpendiculairement à l'horizon, et entre les deux, leur trajet est oblique. Euclide explique que les étoiles sont en fait très éloignées et que la Terre est réductible à un point dans l'espace ; tout observateur voit donc une moitié de la sphère céleste.
Le ciel sphérique, lui-même constitué de sept sphères planétaires emboîtées (Lune, Vénus, Mercure, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne) et de celle du firmament, conduit logiquement à l'idée du géocentrisme. Au centre de cet univers rond, la Terre ne peut tomber ni dans un sens ni dans l'autre ; en équilibre, elle est donc immobile. Sinon, explique Ptolémée, elle sortirait du ciel, les oiseaux en vol se perdraient et la pierre lancée verticalement en l'air ne retomberait pas à son point de départ.

  

Rotation diurne des
étoiles autour du pôle
céleste
Le géocentrisme dominant

L'hypothèse géocentrique implique le mouvement régulier du ciel et des étoiles pour expliquer l'alternance des jours et des nuits ainsi que la succession des saisons. Les mouvements irréguliers des planètes nécessitent des prodiges d'explication géométrique : emboîtements en pelures d'oignon de multiples sphères concentriques, orbites planétaires excentrées, cercles supplémentaires épicycles... Le géocentrisme va de pair avec la conception anthropocentrique et close d'un monde des hommes sous le ciel des dieux.
D'autres hypothèses paraissaient alors moins convaincantes : les Pythagoriciens imaginaient un feu central, Héraclide du Pont (v. 388-315 av. J.-C.) envisageait la rotation de la Terre sur elle-même et Aristarque de Samos (v. 310-230 av. J.-C.) la révolution de la Terre et des planètes autour du soleil. Le fait que certains sceptiques ou épicuriens comme Aristarque ou Lucrèce imaginent d'autres mondes possibles dans un univers qui serait infini, remet en cause l'ordre du monde et paraît subversif.  

  



"Ciel et Terre, Soleil, Lune et mer, rien de ce qui est n'est unique, mais existe, au contraire, en nombres infinis."
Lucrèce, De la Nature, II 1085.

Un géocentrisme bi-millénaire :
Tu prends tout, tu tiens tout dessous ton arche ronde
D'un contour merveilleux la terre couronnant
Et la grand'mer qui vient la terre environnant
L'air épars et le feu, et bref on ne voit chose
Ou qui ne soit à toi, ou dedans toi enclose,
Et de quelque côté que nous tournions les yeux
Nous avons pour objet la clôture des Cieux.

Ronsard, Hymne du Ciel (1555)