Le cercle et la sphère

       
La sphère de
Sacrobosco (détail)
      
Que la Terre soit sphérique au centre du monde est d'abord un postulat philosophique né avec les Pythagoriciens, formulé ensuite par Platon et adopté plus tard par beaucoup de théologiens chrétiens. Si l'on pose que les astres sont d'essence divine, ils doivent être parfaits donc sphériques.
      
   









"Celui qui constitua le monde (...) lui donna comme figure celle qui lui convenait et qui lui était apparentée. Au vivant qui doit envelopper en lui-même tous les vivants, la figure qui pouvait convenir, c'était celle où s'inscrivent toutes les autres figures. Aussi est-ce la figure d'une sphère, dont le centre est équidistant de tous les points de la périphérie, une figure circulaire, qu'il lui donna comme s'il travaillait sur un tour -figure qui entre toutes est la plus parfaite et la plus semblable à elle-même - convaincu qu'il y a mille fois plus de beauté dans le semblable que dans le dissemblable."
Platon, Timée, 33 b
   
      
 
D'autres "raisons" justifient le choix de la forme ronde : la plus commode pour le mouvement, la plus pratique puisqu'elle permet d'utiliser le raisonnement géométrique et mathématique, la seule n'ayant ni commencement ni fin. La doctrine scientifique et philosophique d'Aristote, enseignée au Moyen Âge, voit dans le cercle la trajectoire parfaite et éternelle des corps célestes, ni lourds ni légers et ne s'éloignant pas. Cela ne paraît possible que dans l'éther ou quintessence, cinquième élément inaltérable et éternel, censé régner dans le monde supra-lunaire des astres. Au contraire, le domaine sublunaire est celui, transitoire et corruptible, des quatre éléments, du plus lourd au plus subtil, terre, eau, air, feu, là où s'effectuent les mouvements rectilignes qui montent ou descendent, vont et viennent, comme ceux attribués aux comètes.
      
   




"Du fait que le corps céleste a un mouvement naturel (circulaire) qui lui est propre et différent de ceux des quatre éléments, il s'ensuit que sa nature est nécessairement autre que celle des quatre éléments."
Aristote, Du Ciel.
   
      

Le livre du ciel et
du monde
À la Renaissance, le postulat aristotélicien et néo-platonicien est remis à l'honneur avec des arguments du même ordre. Pour Ronsard, "rien n'est excellent au monde s'il n'est rond". La forme du cercle suggère une puissance d'expansion et de concentration simultanées, aussi bien au niveau cosmique qu'humain. Elle est toujours associée à l'idée de continuité et d'éternité ; la roue du temps renvoie à une conception circulaire de la durée, déjà présente chez les Babyloniens qui avaient divisé le cercle en 360°, soit 12 secteurs de 30° comme pour le cercle du Zodiaque. Plus novateur dans l'élaboration symbolique, l'astronome Kepler affirme que le monde ayant été créé à l'image de Dieu, la sphère est le symbole géométrique de la Sainte Trinité. Mais, en découvrant que l'orbite des planètes est elliptique, il porte un coup décisif à la dignité symbolique du cercle.
      
   




"Le Père au centre, le Fils à la superficie, le Saint Esprit dans l'égalité de la relation du centre au pourtour. Et bien que le centre, la surface et l'intervalle soient manifestement trois, pourtant ils ne font qu'un, au point qu'on ne peut même pas concevoir qu'il en manque un sans que le tout soit détruit."
Johannes Kepler, Le Mystère cosmographique, 1596.

"Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part."
Nicolas de Cues, XVe siècle

"Dans la rotondité de la tête humaine, c'est la rotondité du firmament que l'on retrouve."
Hildegarde de Bingen, Liber divinorum operum IV 15, XIIe siècle