Le Théâtre du monde de la Renaissance au siècle des Lumières


Globes terrestre et céleste d'Arnold Floris Van Langren
Du XVe au XVIIIe siècle, le monde est à la fois théâtre de l'expansion européenne et objet d'étude pour les géographes qui ont le souci de mettre en scène leurs connaissances à l'intention d'un public élargi grâce au développement de la gravure et de l'impression. Après la réalisation des somptueux manuscrits de la Géographie de Ptolémée se forge la personnalité d'une école cartographique flamande, puis hollandaise, qui s'épanouit dans le fameux Siècle d'or dont elle reflète la richesse. Une fois imprimés, les atlas et, à un degré moindre, les cartes murales et les globes s'affranchissent de l'austérité de la gravure pour atteindre, grâce au décor gravé et à l'enluminure, le luxe des productions manuscrites antérieures. Se démarquant du faste des éditeurs hollandais, leurs successeurs français et allemands s'attachent davantage, au XVIIIe siècle, à l'exactitude des mesures et à la précision du tracé, la couleur apportant sa contribution à l'intelligence de la carte.
Les éditeurs des Pays-Bas n'ont cessé de prospérer depuis la publication, à Anvers, du Theatrum Orbis Terrarum d'Abraham Ortelius en 1570 jusqu'à l'incendie de la firme Blaeu, à Amsterdam, en 1672. Atlas, cartes murales et globes mêlent tracés géographiques, textes et images pour décrire le monde. Ils sont perméables aux apports de l'art, évoluant du style maniériste en vogue dans la seconde moitié du XVIe siècle vers des compositions figuratives complexes influencées par l'art baroque. La profession d'enlumineur de cartes gravées apparaît en 1540 à Anvers. Aux XVIe et XVIIe siècles, la proportion importante de documents enluminés offerts au public montre l'attrait exercé par les couleurs. Des traités donnent les recettes de fabrication des couleurs "sans corps pour escrire sur papier" et recommandent de distinguer les différents types de paysage en les rendant agréables par des teintes "aussi proches que possible de la vie".
Quelques pièces majeures
 

Mappemonde en projection conique, par Nicolaus Germanus
Les Lumières de Ptolémée
Redécouverte en Occident au seuil du XVe siècle, la Géographie de Claude Ptolémée, astronome et géographe alexandrin du IIe siècle après J.-C., a contribué au mouvement des Grandes Découvertes en suscitant un renouveau de la géographie. Accompagné généralement de vingt-sept cartes, ce traité a connu une diffusion considérable, d'abord sous la forme de manuscrits somptueusement enluminés et, dès 1475-1477, grâce à de très nombreuses éditions imprimées. Du manuscrit à l'imprimé, l'enluminure des cartes perd une partie de ses ors, mais garde les mêmes objectifs : distinguer et souligner.
"Paincture & imaige de la Terre"
Édition et enluminure de cartes se sont harmonieusement conjuguées aux Pays-Bas du XVIe au XVIIIe siècle. Conçue comme une image-miroir du monde, la carte ne pouvait guère se passer de la couleur, seule capable de parachever le "portrait au naturel". La puissance de grandes firmes d'édition - intégrant l'enluminure dans leur chaîne de production -, leur perméabilité aux apports de l'art et leurs larges débouchés à travers l'Europe sont autant d'éléments qui expliquent la pérennité de cet art aux Pays-Bas.
 
1 Theatrum Orbis Terrarum, par Abraham Ortelius
2 Nova totius terrarum orbis geographica ac hydrographica tabula, par Henricus Hondius
3 Europa recens descripta par Joan Blaeu
4 Nova et accurata totius Germaniae tabula, par Willem Blaeu
 
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"Globe vert" nouvellement attribué à Martin Waldseemüller

 

 

Permanence des globes, de la Renaissance au siècle des Lumières
L'évolution de la production de globes suit celle des atlas et des cartes murales. Après avoir été, aux XVe et XVIe siècles, manuscrits et peints de vives couleurs dominées par le bleu ou le vert de la mer, les globes deviennent plus sobres. Dès 1507 leurs fuseaux sont gravés et imprimés sur papier, ce qui, au XVIIe siècle, élargit beaucoup leur diffusion. Comme les cartes, les globes sont enrichis de textes et d'illustrations qui complètent les tracés géographiques. Plus la sphère est de grande taille, plus ces additifs sont nombreux.