Atlas du roi Manuel de Portugal (Atlas Miller)

Carte céleste mobile d'Apianus
Cette carte est extraite d'un recueil aujourd'hui incomplet (il manque l'Afrique) commandé par le roi du Portugal au cartographe Lopo Homem, maître des cartes nautiques du roi, et achevé en 1519 avec des enluminures attribuées en particulier au Hollandais Antonio de Holanda. C'est une représentation du monde à la veille du voyage de Magellan et toute à la gloire de l'expansion portugaise, avec l'omniprésence du blason lusitanien face aux armes de Castille-Aragon parcimonieusement disposées.
Elle témoigne du haut niveau de connaissances des cartographes et des pilotes portugais qui ont pris le relais des Catalans, et de l'organisation pratique mise en place à Sagres puis à Lisbonne par la Casa da Guiné, Mina e India pour centraliser les documents et les informations concernant les découvertes. Ici, on ne voit ni échelle des distances, ni révélations originales ; le secret d'Etat -s'il existe- est respecté et un tel document ne peut servir à la navigation malgré l'indication, décorative, des lignes de rhumbs et des roses des vents. Mais le tracé global des côtes est remarquable pour le Brésil, Madagascar, l'Inde ou les Moluques, représentées peut-être pour la première fois.
C'est aussi une œuvre d'art somptueuse offrant les premières images de la perception d'un monde en train d'être découvert, à l'ouest comme à l'est, juxtaposant différents niveaux de réalité en associant le vieux et le neuf, le sûr et le conjectural. L'Atlas fait l'inventaire de la diversité du monde en un condensé encyclopédique, selon deux niveaux de lecture possibles : d'une part l'organisation cartographique rationalisée qui inspire confiance avec ses parallèles, ses zones de "climats", ses toponymes, ses cartouches et banderoles informatifs traditionnels, sans oublier l'emblème royal qui dit la prise de possession ; les vignettes représentent des villes asiatiques presque comme des villes occidentales (Malacca). D'autre part on voit tout ce qui incite au voyage ou au rêve, l'incertitude assumée des détails côtiers (estuaires), le remplissage iconographique de l'espace inversement proportionnel aux connaissances disponibles, avec la joaillerie insulaire proliférante et la variété zoologique et humaine des continents.
Ebloui, tout au plaisir de la découverte, le spectateur enregistre aisément et rend hommage au souverain dont les entreprises contribuent à ouvrir le monde et à connaître l'humanité.

"Les habitants sont foncés de peau. Sauvages, très cruels, ils se nourrissent de chair humaine. Ils sont aussi très habiles au maniement des arcs et des flèches. Dans ce pays vivent des perroquets multicolores, des oiseaux innombrables, des bêtes sauvages monstrueuses. C'est là que pousse en grande quantité l'arbre appelé brasil qui est utilisé pour teindre les étoffes de pourpre."