Les astronomes-géographes |
Jusqu'au XVIIIe siècle, quelques savants à la fois astronomes
et cartographes ont éclairé simultanément la connaissance du ciel et de
la Terre. En général, ils sont aussi mathématiciens et parfois philosophes
et musiciens. Cette polyvalence est-elle un héritage du quadrivium médiéval
ou la conséquence de la spécialisation encore faible du savoir ? La géographie
"mathématique" et la cartographie impliquent de connaître les
caractéristiques d'ensemble de la Terre, et rendent donc l'astronomie et
la géométrie indispensables.
Aujourd'hui, les disciplines sont très délimitées et cloisonnées. Autrefois, un savant avait de très nombreuses compétences ; Kant enseignait à Koenigsberg une astronomie et une géographie de très bon niveau. Ceux qui s'embarquent au siècle des Lumière pour des expéditions scientifiques au long cours sont d'une polyvalence remarquable, et de fait, ils font des observations jour et nuit, tant les recherche qu'ils mènent sont de nature diverse. À partir du XIXe siècle, le savoir se compartimente et le géographe
ne peut plus maîtriser toutes les disciplines dont la géographie, science
de carrefour, a besoin pour étudier la surface terrestre. Les géographes
eux-mêmes tendent à se spécialiser dans un domaine, de géographie physique
ou de géographie humaine, ou encore dans la géographie régionale d'une
petite parcelle de la planète. Et la même évolution spécialisatrice se
voit dans l'astronomie. |
Eratosthène de Cyrène | (275-193) |
Directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, c'est un des grands géographes
de l'histoire. À partir du postulat d'un ciel sphérique, il accepte l'idée
de la Terre sphérique et en calcule la circonférence en utilisant le Soleil
et les propriétés d'une sécante à deux parallèles. Il étudie la répartition
des océans et des continents, les vents, les zones climatiques, les altitudes
des montagnes. Comme astronome, il dresse des tables d'éclipses, fait de
multiples observations qui serviront à élaborer une carte du monde habité
et la première "Géographie". Selon lui, l'oekoumène s'étendait
dans l'hémisphère nord du 12e au 66e degré de latitude, et sur 140 degrés
en longitude, de l'Atlantique à l'est de l'Inde. |
Claude Ptolémée | 100-185 |
Véritable "phare" d'Alexandrie qu'il a semble-t-il peu quitté pour
voyager, Ptolémée rassemble sur le cosmos un savoir qui fait la synthèse de huit
siècles d'histoire des sciences et qui perdurera un millénaire et demi. Il considère
que le cosmos est à la fois un contenant (le monde supra-lunaire) et un contenu (la Terre
et son atmosphère). Il suit une méthode "mathématique" similaire dans les
deux domaines : l'Almageste étudie le ciel et propose un catalogue d'étoiles bien
déterminées pour fabriquer un globe céleste; la Géographie rassemble des listes
de coordonnées terrestres pour cartographier le monde habité selon une projection
conique originale (il voit un oekoumène plus vaste que celui d'Eratosthène, sur un globe
plus petit). Enfin, la Tétrabible expose l'influence astrologique du ciel sur la
Terre. |
Al-Khwarizmi | (vers 780-850) |
Mathématicien et astronome originaire du Khwarizm (vallée de
l'Amou-Daria), appelé à Bagdad par le calife al-Mamûn. Auteur de tables astronomiques
et théoricien de l'algèbre, il aurait dessiné le premier planisphère arabe, Cûrat
al-Ard' (l'Image de la Terre) fondée sur des coordonnées astronomiques. Selon lui,
fixer un point sur la carte, c'est établir sa position par rapport aux étoiles du ciel
et définir les influences qu'il en reçoit. |
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Oronce Finé | 1494-1555 |
Né à Briançon, venu à la géographie par l'astronomie. S'intéresse
aussi à l'astrologie.
Bon dessinateur, il publie en 1525 une carte historique de la Gaule.
En 1530, il propose dans sa Cosmographie une table des longitudes
et latitudes pour la moitié sud de la France, dans le but de dresser le
canevas géométrique d'une carte. Il est nommé en 1531 titulaire de la
chaire de Mathématiques au Collège royal (Collège de France fondé en 1530).
Intéressé par les problèmes de projection, il réalise une mappemonde en
deux cœurs accolés (1531) puis en un seul (1536), une carte de France,
une carte du Dauphiné. |
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Mercator | 1512-1594 |
Gérard Kremer dit Mercator, né en Flandre, est graveur de
formation, mais aussi mathématicien et philosophe à l'université de Louvain,
puis "cosmographe du duc de Clèves" à Duisbourg où il a fui les
persécutions contre les Luthériens.En tant que cartographe il est l'auteur
d'un système de projection empirique "conforme", appliqué en 1569
pour faciliter aux pilotes le tracé de la route nautique à suivre. La loxodromie
peut ainsi couper les méridiens à angles constants. Ce type de projection
sera utilisé à partir du XVIIIe siècle surtout, avec l'inconvénient
relatif de beaucoup déformer les surfaces aux hautes latitudes. |
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Willem Janszon Blaeu | 1571-1638 |
Né à Alkmaar, il suit l'enseignement de Tycho Brahé à Uranienborg au
Danemark. En 1599, il s'installe comme fabricant de globes et
d'instruments, travaille aussi comme cartographe au service de la Compagnie des Indes
Orientales. Avec son fils Joan, il est un des plus grands éditeurs européens de cartes
géographiques. |
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Jean Picard | 1620-1682 |
Fils d'un libraire, né à la Flèche, il y fait ses études au
collège jésuite et est ordonné prêtre. Il travaille à Paris avec le philosophe
mathématicien astronome Gassendi, participe à la fondation de l'Académie
royale des Sciences et définit son programme de travail en matière astronomique
: mesurer d'abord un degré du méridien pour en déduire la mesure de la Terre,
puis réaliser la cartographie exacte de la France. Pionnier de la géodésie,
il met au point les instruments scientifiques et améliore les méthodes d'observation
et de calcul. Il vérifie la qualité des cartes qui en résultent (Carte particulière
des environs de Paris, Carte de France corrigée). Son œuvre sera poursuivie
par les Cassini. |
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Jean-Dominique Cassini | 1625-1712 |
Né à Périnaldo dans le comté de Nice, à 25 ans il est professeur
à l'université de Bologne, chargé des questions d'hydraulique pour les Etats
du Pape. Ses observations des occultations des satellites de Jupiter, avec
la publication des éphémérides de Jupiter, le font inviter à Paris par Louis
XIV en 1669 pour participer aux travaux de l'Académie des Sciences. Directeur
du tout neuf Observatoire de Paris, il fait de nombreux voyages scientifiques
et pilote l'activité des savants et des missionnaires partis au loin (rédaction
d'instructions scientifiques). À la suite de Picard, il développe le projet
de la Méridienne dans toute la France. Son fils, Jacques Cassini (Cassini
II 1677-1756) développe le réseau de triangulation. Le petit-fils, César-François
Cassini de Thury (Cassini III, 1714-1784) vérifie la Méridienne et réalise
la grande entreprise de publication de la Carte de France qui ne sera achevée
que par Jacques-Dominique Cassini (Cassini IV, 1748-1845). |
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Edmund Halley | (1656-1742) |
Elève de Newton, il participe à des voyages d'exploration.
Dans l'Atlantique sud en 1676, il séjourne à Sainte Hélène où il dessine
la carte du ciel austral ; dans l'Océan Indien en 1686-87, il étudie
la mousson, ce qui lui permet de publier la première carte climatologique
de la Terre avec l'indication des alizés et des vents de mousson. En 1698,
il commande un navire chargé de faire des relevés sur le champ magnétique,
d'où résulte en 1701 la première carte des variations magnétiques sur l'Océan
Atlantique. Il établit aussi la première table des hauteurs de marée dans
la Manche. En 1715 il dessine à l'avance la carte de la zone d'ombre d'une
éclipse de soleil en Grande Bretagne. Enfin en 1720, il est nommé directeur
de l'Observatoire royal de Greenwich. Ce pionnier des cartes thématiques
a connu une gloire posthume et durable pour avoir découvert et calculé la
périodicité de la comète de 1682 qui portera son nom après que son retour
prévu pour 1758 ait été qualifié par Lalande de "phénomène le plus
satisfaisant que l'astronomie nous ait jamais offert". |
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Guillaume Delisle | 1675-1726 |
Elève de Jean-Dominique Cassini, il s'inscrit dans une lignée
d'astronomes et de géographes : son père est professeur de géographie, son frère est
astronome, son gendre est le géographe Philippe Buache, Maître de géographie de Louis
XVI tandis que Delisle l'avait été pour Louis XV. Premier Géographe du roi en 1718, il
est le représentant typique du géographe-astronome du siècle des Lumières, membre de
l'Académie royale des Sciences en 1702 comme "élève-astronome", après avoir
publié deux globes terrestre et céleste et une mappemonde. Doté à la fois d'une solide
culture scientifique et historique, son travail de cabinet extrêmement sérieux fait la
synthèse de toutes les informations disponibles et vérifiées. Il utilise toujours des
positions géographiques déterminées astronomiquement. Il a produit une centaine de
cartes originales qu'il remettait régulièrement à jour, en laissant des blancs en cas
d'indétermination. |
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Alexandre de Humboldt | 1769-1859 |
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