Les récits de Marco Polo

En 1295, Marco Polo revient à Venise après un périple de 24 ans qui l'avait conduit, lui, son père Nicolo et son oncle Maffeo, à travers l'Asie centrale jusqu'à la Chine ("Catay") et Pékin ("Chambalech"). Trois ans plus tard, en 1298, il dicta en français le récit de ses voyages, Le Devisement du monde qui est également connu sous des noms divers, Le Livre des merveilles, Il Milione... Si le texte original est perdu, près de 150 manuscrits anciens existent, traduits dans toutes les langues, dont une version dite de Ramusio a relancé au XXe siècle les études sur Marco Polo.

Marco Polo raconte ce qu'il a vu ou entendu dire ; il livre des anecdotes et insiste sur la vie quotidienne, les religions et les combats des peuples visités. Il note les activités économiques, décrit la faune et la flore, les villes des pays traversés... Le Devisement du monde reprend les deux voyages effectués par les Polo, en 1260, sans Marco, puis en 1271, avec lui et s'articule en trois livres : l'itinéraire par le Proche Orient, l'Asie mineure et l'Asie centrale vers le Catay ; le séjour dans l'empire de Catay ; l'itinéraire par la voie maritime de l'Asie du sud-est puis par l'Inde jusqu'à l'Asie mineure.Tout au long du récit, Marco Polo fait preuve d'une précision documentaire qui n'exclut pas parfois la naïveté ; de qualités d'observations qu'on ne soupçonnerait pas chez un homme de son époque et qui expliquent peut-être que les contemporains de Marco Polo aient d'abord cru qu'il avait fait preuve d'imagination.

Les descriptions de Marco Polo eurent ainsi peu d'effets immédiats mais il semble bien qu'une carte illustrant ses découvertes ait été tracée sur le mur de la salle dite "des deux cartes" du palais ducal de Venise. Elle existait encore en 1449 quand le sénat décide de la rénover, avant d'être détruite en 1483. Une de ces cartes devait être copiée en 1426 pour Don Pedro de Portugal.Les cartes du XIVe siècle, celles de Pietro Vesconte par exemple, qui connaissent les itinéraires de Rubrouck, peut-être par l'intermédiaire de Roger Bacon, et de Plan Carpin, ne font pas allusion de façon significative au "Devisement du monde". L'Atlas catalan, à la fin du XIVe siècle, est l'une des premières cartes à lui emprunter des toponymes, voire des fragments d'itinéraires. Plus tard, sur la carte de Fra Mauro (1459), l'influence du récit de Marco Polo deviendra plus prégnante. On en trouvera trace également sur les cartes de Henricus Martellus Germanus (v.1480-1496), sur celle de Ruysch imprimée en 1507 et sur le globe de Behaim. Quant au Devisement du monde il était, avec l'Imago mundi de Pierre d'Ailly, l'un des ouvrages de référence de Christophe Colomb.