Vue d’ensemble du Cirque Municipal d’Amiens (Somme)
Plan d’architecte dessiné par Émile Ricquier
Extrait de Monographies de bâtiments modernes, R. Ducher Éditions, vers 1889
Collection Jacob/William. CNAC, Châlons-en-Champagne ; La Tohu, Cité du cirque Montréal, Québec
© Centre national des arts du cirque, collection Jacob/William
Construit en 1889 par l’architecte Émile Ricquier, élève de Gustave Eiffel, sur la place Longueville, le Cirque municipal d’Amiens porte depuis 2003 le nom de Cirque Jules-Verne, du nom de l’écrivain visionnaire qui porte le projet en tant que conseiller municipal de la ville d’Amiens. Le nouveau monument remplace un cirque de bois édifié par M. Schytte sur les plans de M. Gaudelette et inauguré le 23 juin 1874, ainsi que le rappelle Jules Verne dans son discours officiel du 23 juin 1889, prétexte à une description minutieuse du nouvel édifice :
(…) « Tout d’abord, arrêtons-nous devant le portique de ce monument, où l’architecte a si heureusement mélangé le style romain et le style de la renaissance italienne. Huit colonnes cannelées à chapiteaux composites d’une remarquable finesse d’exécution, soutiennent un entablement brodé d’un léger tore, et dont la frise porte en lettres dorées : Cirque municipal. Une corniche, agrémentée de modillons et de denticules se développe à la base d’un fronton artistement fouillé. Au centre de ce fronton s’écartèle le masque antique, grimaçant et farouche, enrubanné de rinceaux aux courbes gracieuses. Peut-être ce masque crie-t-il par sa large bouche dans le langage païen : « Evohé ! Evohé ! » à moins qu’il ne dise tout bonnement dans la langue foraine : « Prenez vos billets et donnez-vous la peine d’entrer ! ». Quoi qu’il en soit, il ne parvient pas à troubler la tranquillité sereine des deux panthères ailées, fièrement campées aux angles du fronton, la patte sur une boule avec le thyrse et les grappes de raisin pour attributs. On les appelle volontiers des chimères... Soit ! Mais la chimère, si c’est le monstre, a dit quelque part Victor Hugo, c’est le rêve aussi, et ces animaux symboliques sont bien à leur place sur le seuil d’un édifice qui n’est pas uniquement destiné aux prouesses de l’équitation franconienne.
Commençons notre promenade circulaire. Deux bars, deux cafés, enrichis de cartouches aux armes de la Ville, revêtus de marbres rouges de Flandre, montrent leurs élégantes armatures vitrées, où le fer et le bronze se marient harmonieusement. Cette disposition architecturale, élargissant la façade, était la seule qui pu lui donner un aspect monumental. En effet, ces bars sont couronnés de larges terrasses, dont le cordon de balustres, en se continuant aux balcons et aux annexes, imprime à l’ensemble un grand caractère d’unité. Les murs contrebutés de piliers robustes à chaque angle d’un polygone à seize côtés, offrent un véritable spécimen de la construction, telle que la comprennent les architectes de notre temps. Le fer, la pierre, le cuivre, le bronze, le marbre, le ciment, le plâtre, la brique, le bois, s’y associent dans une fraternité toute démocratique.
Si ces matériaux manquent pour la plupart au sol de notre Picardie, si ces pierres sont venues des exploitations de Savonnière dans la Meuse, si ces fers ont été fournis par les mines de Haumont dans le Nord, si ce plâtre a été extrait des plâtrières de Paris, et ce ciment des carrières de Vassy et de Boulogne, du moins, les ouvriers qui les ont mis en œuvre appartiennent-ils presque tous à notre ville. Et, puisque ce soir, sur la bienveillante invitation de M. le Maire, ils assistent à cette séance d’inauguration, félicitons-les hautement pour le zèle non moins que pour l’habileté dont ils ont fait preuve. Grâce à la prudence de leur architecte, de leurs patrons et contremaîtres, aucun accident grave ne s’est produit au cours des travaux, et pas un d’eux ne manque à l’appel. Sous la direction de Tellier pour les plâtres, de M. Bouchard pour les ciments, de M. Chatelain pour la plomberie et le zingage, de M. Drobecq pour la charpente, de M. Loleu et de M. Mercier pour la maçonnerie, de M. Rouillard pour la peinture, de M. Birschler pour la tenture, de M. Lemel, pour la menuiserie, de M. Waymel pour le chauffage, de M. Schupp et de M. Triaud pour la serrurerie, de M. Payen pour la couverture, ces ouvriers ont été les dévoués collaborateurs d’Emile Ricquier, si intelligemment secondé déjà par l’infatigable personnel de ses bureaux. Enfin, M. Blondel, ingénieur-mécanicien, MM. Velliet et Lescure, constructeurs de chaudières, M. Cance, électricien, M. Bèges, ornemaniste, lui ont apporté leur précieux concours.
Quant au motif du fronton, c’est à un ami de M. Ricquier, c’est à un artiste de grand talent qu’il est dû, M. Germain, l’auteur des sculptures du château de Chantilly et du Palais de Justice de Paris.
Vous voici derrière les annexes du Cirque. Dans le sous-sol de l’ancien éperon, si fréquenté autrefois des enfants de la ville, se creuse une cave, où quatre-vingts chevaux-vapeur, développés par de puissants appareils évaporatoires, actionnent deux dynamos, qui alimentent les lampes électriques de la coupole et de la façade. Un peu au-delà, sur son portique à quatre pieds, se dresse (comme l’un des bébés de la tour Eiffel), une cheminée d’un jet hardi et superbe.
Grosse matière à discussion, cette cheminée ! Fallait-il la dissimuler, la reculer en quelque coin de la place, la reporter dans l’une des rues adjacentes ? M. Emile Ricquier ne l’a point pensé. Et cela n’est-il pas plus pratique ? En effet, ne convient-il pas d’admettre dans le plan des constructions modernes, la juxtaposition de ces indispensables appendices, du moment que l’on veut puiser l’éclairage à des sources électriques ? L’avenir en décidera. Continuons de suivre la base du polygone dont la périphérie ne mesure pas moins de 150 mètres. Un regard à son soubassement, relevé de bossages bien accusés, à ses murs rayés de refends lapidaires, à ces fenêtres de grand style, à ses triples baies par lesquelles pénètrent à profusion les rayons du jour, et desquelles s’échappent à flots les lumineuses effluences du soir. Plus haut courent les moulures d’une corniche nettement tracée, et le chêneau, surmonté de seize pinacles, qui communiquent avec le puits intérieur des piliers pour l’aération de la salle.
Allons, Mesdames, c’est le moment d’ouvrir vos ailes, de planer à la surface de cette vaste coupole ! Faites sans crainte ce que nos ouvriers n’ont pas fait sans danger sur leurs échasses vacillantes. Voltigez gracieusement le long des arêtiers jusqu’au lanterneau central. Avec quelle assurance il repose sur ses consoles d’appui ! Avec quelle délicatesse s’enroule son collier d’antéfixes à têtes de lion ! Avec quelle élégance se découpe son faîte, où la brise déploie le pavillon français que nous saluons tous de nos hurrahs !
Et avant de redescendre, regardez ! Autour de vous émergent les monuments de la ville, la Cathédrale, les clochers de dix églises, le campanile de l’hôtel Vagniez-Fiquet, le dôme du Musée, le toit boursouflé du Beffroi municipal, ensemble curieux et varié, auquel le Cirque d’Émile Ricquier mêle sa note si moderne ! Puis, laissez-vous glisser doucement jusqu’au sol. Et, après les merveilles du dehors, les merveilles du dedans.
Nous franchissons les marches en granit breton du portique, dont le plafond sculpté, les bas-reliefs latéraux et le pavé de mosaïque, œuvre des Italiens Zanussi, complètent l’ornementation. Au-delà s’arrondit un large hall, que drapent les plis si décoratifs du velours de ramie, fabriqué par l’industrie picarde. Sous nos pieds se dessinent cinq étoiles à cailloux multicolores, puis une date : 1889. C’est la date de la construction du Cirque, qui coïncide avec celle du Centenaire. Observons, en passant, que les onze cent soixante-douze membres des trois ordres qui constituèrent, il y a un siècle, l’Assemblée des États-Généraux, eussent tenus à l’aise dans cette enceinte.
À droite et à gauche, sous les voûtes qui portent l’amphithéâtre, sont aménagées ces installations nécessaires aux exercices olympiques, les magasins d’accessoires, les loges pour tout un monde d’artistes à deux pieds, les écuries pour tout un escadron d’artistes à quatre pattes. Trois couloirs, prolongés jusqu’à la piste, desservent les places réservées et les premières. Deux escaliers extérieurs et deux escaliers intérieurs, se dédoublant au premier étage, permettent d’accéder facilement aux secondes et aux troisièmes. Que le public veuille bien ne point s’écraser ni pour entrer ni pour sortir ! Les issues sont largement ouvertes. À chacun, d’ailleurs, l’administration municipale, juste mais sévère, a garanti cinquante centimètres de largeur par place (moyenne consciencieusement établie entre les spectateurs trop gras et les spectateurs trop maigres). De n’importe quel endroit, les regards ne seront point gênés pour embrasser la scène, occupée ce soir par nos sociétés lyriques, et la tribune en encorbellement, réservée aux musiciens des troupes équestres. Par un ingénieux mécanisme, cette scène est susceptible de se relever suivant l’oblique des gradins et de se transformer en amphithéâtre. Trois mille personnes peuvent alors trouver place sur les dix-sept rangées ininterrompues des banquettes.
Au-dessus des parois à fond rouge-antique, décorées de guirlandes, regardez la frise polychrome, où sourient de gracieuses figures de femmes entre des têtes d’homme rébarbatives. Cette frise relie les puissantes consoles, sur lesquelles les arêtiers des formes prennent leur point d’appui, en rayonnant du centre de la coupole. N’admirez-vous pas ce merveilleux plafond, ses caissons ourlés d’un filet d’or, ses entrelacs de fines arabesques, le semis capricieux de ses fleurettes, les rosaces touffues de ses losanges, et les douze lunes voltaïques, qui nous versent les rayons de leurs arcs, mêlés à cette constellation de lampes à incandescence ? Rayons brillants, mais sans chaleur, Mesdames, et qui ne faneront ni les fleurs ni les feuilles de vos chapeaux. Ne craignez pas que cette floraison céphalique ne défraîchisse au milieu d’une trop chaude atmosphère ! Rien que par la pression de la main, un petit appareil permet de relever la plaque vitrée du lanterneau, et l’air renouvelé se distribue à toutes les zones de cette salle, j’allais dire de ce parterre artificiel ! » (…) Jules Verne, Amiens 23 juin 1889.
> lire le discours entier.
(…) « Tout d’abord, arrêtons-nous devant le portique de ce monument, où l’architecte a si heureusement mélangé le style romain et le style de la renaissance italienne. Huit colonnes cannelées à chapiteaux composites d’une remarquable finesse d’exécution, soutiennent un entablement brodé d’un léger tore, et dont la frise porte en lettres dorées : Cirque municipal. Une corniche, agrémentée de modillons et de denticules se développe à la base d’un fronton artistement fouillé. Au centre de ce fronton s’écartèle le masque antique, grimaçant et farouche, enrubanné de rinceaux aux courbes gracieuses. Peut-être ce masque crie-t-il par sa large bouche dans le langage païen : « Evohé ! Evohé ! » à moins qu’il ne dise tout bonnement dans la langue foraine : « Prenez vos billets et donnez-vous la peine d’entrer ! ». Quoi qu’il en soit, il ne parvient pas à troubler la tranquillité sereine des deux panthères ailées, fièrement campées aux angles du fronton, la patte sur une boule avec le thyrse et les grappes de raisin pour attributs. On les appelle volontiers des chimères... Soit ! Mais la chimère, si c’est le monstre, a dit quelque part Victor Hugo, c’est le rêve aussi, et ces animaux symboliques sont bien à leur place sur le seuil d’un édifice qui n’est pas uniquement destiné aux prouesses de l’équitation franconienne.
Commençons notre promenade circulaire. Deux bars, deux cafés, enrichis de cartouches aux armes de la Ville, revêtus de marbres rouges de Flandre, montrent leurs élégantes armatures vitrées, où le fer et le bronze se marient harmonieusement. Cette disposition architecturale, élargissant la façade, était la seule qui pu lui donner un aspect monumental. En effet, ces bars sont couronnés de larges terrasses, dont le cordon de balustres, en se continuant aux balcons et aux annexes, imprime à l’ensemble un grand caractère d’unité. Les murs contrebutés de piliers robustes à chaque angle d’un polygone à seize côtés, offrent un véritable spécimen de la construction, telle que la comprennent les architectes de notre temps. Le fer, la pierre, le cuivre, le bronze, le marbre, le ciment, le plâtre, la brique, le bois, s’y associent dans une fraternité toute démocratique.
Si ces matériaux manquent pour la plupart au sol de notre Picardie, si ces pierres sont venues des exploitations de Savonnière dans la Meuse, si ces fers ont été fournis par les mines de Haumont dans le Nord, si ce plâtre a été extrait des plâtrières de Paris, et ce ciment des carrières de Vassy et de Boulogne, du moins, les ouvriers qui les ont mis en œuvre appartiennent-ils presque tous à notre ville. Et, puisque ce soir, sur la bienveillante invitation de M. le Maire, ils assistent à cette séance d’inauguration, félicitons-les hautement pour le zèle non moins que pour l’habileté dont ils ont fait preuve. Grâce à la prudence de leur architecte, de leurs patrons et contremaîtres, aucun accident grave ne s’est produit au cours des travaux, et pas un d’eux ne manque à l’appel. Sous la direction de Tellier pour les plâtres, de M. Bouchard pour les ciments, de M. Chatelain pour la plomberie et le zingage, de M. Drobecq pour la charpente, de M. Loleu et de M. Mercier pour la maçonnerie, de M. Rouillard pour la peinture, de M. Birschler pour la tenture, de M. Lemel, pour la menuiserie, de M. Waymel pour le chauffage, de M. Schupp et de M. Triaud pour la serrurerie, de M. Payen pour la couverture, ces ouvriers ont été les dévoués collaborateurs d’Emile Ricquier, si intelligemment secondé déjà par l’infatigable personnel de ses bureaux. Enfin, M. Blondel, ingénieur-mécanicien, MM. Velliet et Lescure, constructeurs de chaudières, M. Cance, électricien, M. Bèges, ornemaniste, lui ont apporté leur précieux concours.
Quant au motif du fronton, c’est à un ami de M. Ricquier, c’est à un artiste de grand talent qu’il est dû, M. Germain, l’auteur des sculptures du château de Chantilly et du Palais de Justice de Paris.
Vous voici derrière les annexes du Cirque. Dans le sous-sol de l’ancien éperon, si fréquenté autrefois des enfants de la ville, se creuse une cave, où quatre-vingts chevaux-vapeur, développés par de puissants appareils évaporatoires, actionnent deux dynamos, qui alimentent les lampes électriques de la coupole et de la façade. Un peu au-delà, sur son portique à quatre pieds, se dresse (comme l’un des bébés de la tour Eiffel), une cheminée d’un jet hardi et superbe.
Grosse matière à discussion, cette cheminée ! Fallait-il la dissimuler, la reculer en quelque coin de la place, la reporter dans l’une des rues adjacentes ? M. Emile Ricquier ne l’a point pensé. Et cela n’est-il pas plus pratique ? En effet, ne convient-il pas d’admettre dans le plan des constructions modernes, la juxtaposition de ces indispensables appendices, du moment que l’on veut puiser l’éclairage à des sources électriques ? L’avenir en décidera. Continuons de suivre la base du polygone dont la périphérie ne mesure pas moins de 150 mètres. Un regard à son soubassement, relevé de bossages bien accusés, à ses murs rayés de refends lapidaires, à ces fenêtres de grand style, à ses triples baies par lesquelles pénètrent à profusion les rayons du jour, et desquelles s’échappent à flots les lumineuses effluences du soir. Plus haut courent les moulures d’une corniche nettement tracée, et le chêneau, surmonté de seize pinacles, qui communiquent avec le puits intérieur des piliers pour l’aération de la salle.
Allons, Mesdames, c’est le moment d’ouvrir vos ailes, de planer à la surface de cette vaste coupole ! Faites sans crainte ce que nos ouvriers n’ont pas fait sans danger sur leurs échasses vacillantes. Voltigez gracieusement le long des arêtiers jusqu’au lanterneau central. Avec quelle assurance il repose sur ses consoles d’appui ! Avec quelle délicatesse s’enroule son collier d’antéfixes à têtes de lion ! Avec quelle élégance se découpe son faîte, où la brise déploie le pavillon français que nous saluons tous de nos hurrahs !
Et avant de redescendre, regardez ! Autour de vous émergent les monuments de la ville, la Cathédrale, les clochers de dix églises, le campanile de l’hôtel Vagniez-Fiquet, le dôme du Musée, le toit boursouflé du Beffroi municipal, ensemble curieux et varié, auquel le Cirque d’Émile Ricquier mêle sa note si moderne ! Puis, laissez-vous glisser doucement jusqu’au sol. Et, après les merveilles du dehors, les merveilles du dedans.
Nous franchissons les marches en granit breton du portique, dont le plafond sculpté, les bas-reliefs latéraux et le pavé de mosaïque, œuvre des Italiens Zanussi, complètent l’ornementation. Au-delà s’arrondit un large hall, que drapent les plis si décoratifs du velours de ramie, fabriqué par l’industrie picarde. Sous nos pieds se dessinent cinq étoiles à cailloux multicolores, puis une date : 1889. C’est la date de la construction du Cirque, qui coïncide avec celle du Centenaire. Observons, en passant, que les onze cent soixante-douze membres des trois ordres qui constituèrent, il y a un siècle, l’Assemblée des États-Généraux, eussent tenus à l’aise dans cette enceinte.
À droite et à gauche, sous les voûtes qui portent l’amphithéâtre, sont aménagées ces installations nécessaires aux exercices olympiques, les magasins d’accessoires, les loges pour tout un monde d’artistes à deux pieds, les écuries pour tout un escadron d’artistes à quatre pattes. Trois couloirs, prolongés jusqu’à la piste, desservent les places réservées et les premières. Deux escaliers extérieurs et deux escaliers intérieurs, se dédoublant au premier étage, permettent d’accéder facilement aux secondes et aux troisièmes. Que le public veuille bien ne point s’écraser ni pour entrer ni pour sortir ! Les issues sont largement ouvertes. À chacun, d’ailleurs, l’administration municipale, juste mais sévère, a garanti cinquante centimètres de largeur par place (moyenne consciencieusement établie entre les spectateurs trop gras et les spectateurs trop maigres). De n’importe quel endroit, les regards ne seront point gênés pour embrasser la scène, occupée ce soir par nos sociétés lyriques, et la tribune en encorbellement, réservée aux musiciens des troupes équestres. Par un ingénieux mécanisme, cette scène est susceptible de se relever suivant l’oblique des gradins et de se transformer en amphithéâtre. Trois mille personnes peuvent alors trouver place sur les dix-sept rangées ininterrompues des banquettes.
Au-dessus des parois à fond rouge-antique, décorées de guirlandes, regardez la frise polychrome, où sourient de gracieuses figures de femmes entre des têtes d’homme rébarbatives. Cette frise relie les puissantes consoles, sur lesquelles les arêtiers des formes prennent leur point d’appui, en rayonnant du centre de la coupole. N’admirez-vous pas ce merveilleux plafond, ses caissons ourlés d’un filet d’or, ses entrelacs de fines arabesques, le semis capricieux de ses fleurettes, les rosaces touffues de ses losanges, et les douze lunes voltaïques, qui nous versent les rayons de leurs arcs, mêlés à cette constellation de lampes à incandescence ? Rayons brillants, mais sans chaleur, Mesdames, et qui ne faneront ni les fleurs ni les feuilles de vos chapeaux. Ne craignez pas que cette floraison céphalique ne défraîchisse au milieu d’une trop chaude atmosphère ! Rien que par la pression de la main, un petit appareil permet de relever la plaque vitrée du lanterneau, et l’air renouvelé se distribue à toutes les zones de cette salle, j’allais dire de ce parterre artificiel ! » (…) Jules Verne, Amiens 23 juin 1889.
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BnF, Éditions multimédias, 2021