Encyclopédie des arts du cirque

Arts du cirque

Miguel et Evaristo, excentriques musicaux

Affiche d’artiste
Imprimerie Émile Lévy (Paris), 1890
Lithographie couleur, 58 x 44 cm
BnF, département des Estampes et de la photographie, ENT DN-1 (LEVY,Emile)-FT6
© Bibliothèque nationale de France
Avec la libéralisation du divertissement dès la fin du XVIIIe siècle et le développement des échanges économiques et humains durant tout le XIXe, les salles de spectacle se multiplient et le secteur s’organise pour satisfaire une demande d’attractions croissante. Dans un paysage occupé par les vauxhalls et autres Concerts, les Bals et toute la déclinaison des Folies, prémices des cabarets et des music-halls, même les cirques, conçus autour du cheval, font une place de plus en plus importante aux Variétés. Pour attirer et fidéliser le public, les programmateurs doivent veiller à le surprendre par de nouvelles prouesses tout en flattant ses goûts pour la chanson, la musique et la danse et son irrépressible besoin de rire.
Issues ou non de familles banquistes, des troupes indépendantes se forment autour d’une discipline acrobatique ou musicale, qu’elles habillent selon la vogue du temps. D’innombrables propositions hybrides se font jour, sous la dénomination de grotesques ou d’excentriques musicaux, comme l’illustre cette affiche de Miguel et Evaristo. Des silhouettes de clowns surgies de la piste des cirques anglais consacrés en France, en souquenille bigarrées et perruques à toupets, côtoient des personnages de musiciens parodiques inspirés par les minstrels venus d’outre-Atlantique.
Ainsi des musiciens un peu diaboliques, en habit sur des poulaines noires ou rouges, exhibent des pieds noirs et démesurés, et interprètent des partitions insolites sur des instruments de musique plus ou moins conventionnels, entre deux cascades explosives. D’autres musiciens excentriques, comme Jurman et Boby ou The Two Jack’s, se dotent d’un maquillage totalement blanc – de whitefaces – qu’ils soulignent de traits que se donnent les blackfaces pour caricaturer les musiciens noirs, larges bouches grimaçantes et gros nez rouges. Sur leurs affiches, l’illustrateur n’a pas oublié de représenter l’instrument singulier emprunté aux buskers (musiciens ambulants) anglo-saxons : le coffeepot whistles. Il s’agit d’une cafetière à l’ancienne, en étain, équipée d’un bec un peu allongé et de quelques trous en vis-à-vis qui permettent de moduler du bout des doigts le son provoqué en soufflant dans l’embouchure, comme dans un gros flageolet. Selon Nick Whitmer, chercheur et musicien américain, le coffee pot siffleur des street musicians serait apparu sur la piste du cirque de Charles Hengler en 1863, à l’initiative de Harry Liskard, un clown anglais, pour disparaître à la fin du siècle avec l’évolution du spectacle de vaudeville.
 
Sources :
- New York Herald du 4 février 1864 : The Tyrolean Whistler joue d’un Family Coffee Pot à l’ancien Barnum American Museum de New York City du 1er au 6 février 1864. Voir ici.
- Francis O'Neill, Irish Minstrels and Musicians, Chicago, Regan Printing House, 1913, p. 261.
- http://www.whitmerpipes.com/coffeepot.html.