Aux sources des contes
 
 

Des mythes ancestraux
Les origines du conte de fées dépassent de loin les fables milésiennes évoquées par Perrault dans la préface de ses contes en vers. Depuis qu’il parle, semble t-il, l’homme raconte. Du moins depuis qu’il écrit, puisque des tablettes de Chaldée nous rapportent la légende d’Etana et de l’aigle. L’Egypte pharaonique avec le Conte du naufragé et le Conte des deux frères conservés sur un papyrus du XIIIe siècle avant notre ère, la Babylonie, la Grèce antique, Rome avec les Métamorphoses (ou L'Âne d'or) d’Apulée présentent des récits dans lesquels se reconnaissent nos contes. De la plus haute Antiquité à la Renaissance, les mythes, légendes et autres fables ont fourni des motifs merveilleux qui se sont retrouvé dans de nombreux contes. Ainsi l’histoire de "Psyché et Cupidon" traverse les siècles pour inspirer La Belle et la Bête des Lumières.
   


   
Le XIXe siècle a cru à une origine indo-européenne des contes, ayant constaté les parentés du Pañcatantra indien et de l’Océan des Contes de Somadeva avec nos fables, contes et légendes. En fait les motifs et structures des contes sont universels. Ils se retrouvent en Arabie dans le Kalila et Dimna ou Les Mille et une Nuits. On connaît aussi un Petit Chaperon rouge chinois, des Blanche-Neige kabyle autant que russe, et les contes japonais, khmers, africains, océaniens ou amérindiens nous semblent étrangement familiers.
   
 
 

Une tradition orale
Ce conte fut d’abord une parole, transmise de génération en génération, en d’infinies variantes sur des canevas mouvants. Parfois un anonyme modifiait ou inventait, créant un nouveau rameau du grand arbre des contes. Le conte est une poésie de nature, par opposition à la poésie d’art des auteurs, disait Jacob Grimm. L’oralité, c’est la sociabilité : les rares récits anciens décrivant les conteurs et leurs pratiques rapportent généralement des veillées, des mariages, des fêtes : réunions d’une société rurale, où le conte est un rite social et le conteur un passeur entre générations. Figure emblématique, ma mère l’Oye représentée sous les traits d’une vieille femme, est l’un des principaux agents de transmission des contes. Mais c’est le plus souvent un homme, spécialiste du genre, qui porte le conte de ferme en ferme et vit de son "art".
  


   

L’auditoire du conteur n’est pas seulement composé d’enfants. En 1548, Noël du Fail nous livre dans ses Propos rustiques les occupations paysannes lors des veillées : "Volontiers après souper, le ventre tendu comme un tabourin, saoul comme Patault, jasait le dos tourné au feu, veillant bien mignonnement du chanvre, ou raccoutrant à la mode qui courait ses bottes, […] chantant bien mélodieusement, comme honnêtement le savait faire, quelque chanson nouvelle, Jouanne, sa femme, de l’autre côté, qui filait, lui répondant de même. Le reste de la famille ouvrant chacun en son office […]. Et ainsi occupé à diverses besognes, le bon homme Robin (après avoir imposé silence) commençait un beau conte du temps que les bêtes parlaient."