Marie-Louise Von Frantz
    Psychanalyste allemande, Marie-Louise Von Frantz est une disciple de Jung dont elle applique la théorie aux contes de fées. Elle a notamment publié Jung : son mythe en notre temps (Buchet-Chastel, 1975), "L'Âne d'or" : interprétation d'un conte (La Fontaine de pierre, 1978), La Femme dans les contes de fées (La Fontaine de Pierre, 1979) et L’interprétation des contes de fées (La Fontaine de Pierre, 1970) dont ce texte est extrait.
 
 

Différentes théories sur l’origine des contes de fées

Les contes de fées expriment de façon extrêmement sobre et directe les processus psychiques de l’inconscient collectif. C’est pourquoi leur valeur est supérieure à celle d’autres matériaux pour ce qui est de son investigation scientifique. Les archétypes y sont représentés dans leur aspect le plus simple, le plus dépouillé, le plus concis. Sous cette forme pure, les images archétypiques nous fournissent les meilleures des clefs pour nous permettre la compréhension des processus qui se déroulent dans la psyché collective. Dans les mythes, les légendes, ou dans tout autre matériel mythologique plus élaboré, l’on n’atteint les structures de base de la psyché humaine qu’à travers une couche d’éléments culturels qui les recouvre. Les contes de fées, par contre, contiennent bien moins de matériel culturel conscient spécifique, aussi reflètent-ils avec plus de clarté les structures de base de la psyché.
Selon les conceptions de C. G. Jung, chaque archétype est par essence un facteur psychique inconnu et, par suite, il n’est pas possible d’en traduire le contenu en termes intellectuels. Tout ce que l’on peut faire est de le circonscrire sur la base de sa propre expérience psychologique et, à l’aide d’études comparatives, d’amener ainsi à la lumière tout le réseau d’association dans lequel ces images archétypiques se trouvent enveloppées. Le conte de fées est à lui-même sa meilleure explication, car son sens est présent dans la totalité des thèmes que relie le fil du récit. L’inconscient est, métaphoriquement, dans la même situation qu’une personne qui, ayant vécu une vision ou une expérience originale, souhaite la communiquer : du fait que c’est un événement qui n’a jamais encore été formulé en concepts, elle sera en peine de moyens d’expression. Dans cette situation, elle tentera, de diverses façons, de faire comprendre son expérience en essayant de provoquer, par intuition et par analogie avec des éléments familiers, un écho chez ses auditeurs, ne se lassant pas de leur exposer sa vision jusqu’à ce qu’elle sente qu’ils ont quelque intelligence de son contenu. De même, nous pouvons avancer l’hypothèse suivant laquelle chaque conte de fées est un système relativement clos, exprimant un seul sens psychologique essentiel qui se traduit en une série d’images symboliques et d’événements. C’est ce sens que nous nous efforcerons de découvrir.

Extrait de L’interprétation des contes de fées. La Fontaine de Pierre, 1970