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Philologues et écrivains allemands, les
frères Jacob (1785-1863) et Wilhem (1786-1859) Grimm
ont réuni et publié les contes et légendes germaniques. Dans
leur préface des Contes d'enfants et du foyer, publiés en 1812,
ils exposent leur démarche de collecte.
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[…] Au début nous avons cru que, dans ce domaine aussi, bien des choses avaient disparu et que seuls demeuraient les contes dont nous-mêmes avions connaissance et que d'autres narraient avec des variantes comme il arrive toujours. Mais, attentifs à tout ce qui subsiste vraiment de la poésie, nous avons aussi désiré connaître ces variantes, et alors un grand nombre de nouveaux contes sont apparus. Et bien que nous ne puissions beaucoup élargir nos investigations, notre collecte s'accrut d'année en année au point que, six ans s'étant écoulés, elle nous apparaît riche. Ce faisant, nous avons conscience que bien des choses nous manquent sans doute, en même temps que nous réjouit la pensée de posséder la plupart des contes et les meilleurs. A de rares exceptions près, ils ont été presque tous recueillis dans la province de Hesse et la région du Main et du Kinzig dans le comté de Hanau dont nous sommes originaires ; et parce que nous les avons recueillis de vive voix, un souvenir agréable s'attache à chacun. […] Peut-être était-il justement temps de fixer ces contes, puisque ceux qui doivent les préserver deviennent de plus en plus rares (en vérité, ceux qui les savent en savent aussi beaucoup, parce que les hommes meurent aux contes, mais non les contes aux hommes), car la coutume de conter ne cesse de décliner, de même que tous les recoins secrets des maisons et des jardins font place à une splendeur vide, ressemblant au sourire avec lequel on parle d'eux qui paraît distingué et néanmoins coûte si peu. Là où ils existent encore, ils subsistent de telle manière qu'on ne se demande pas s'ils sont bons ou mauvais, poétiques ou insipides, on les connaît et on les aime parce qu'on les a reçus tels quels ; et on s'en réjouit sans en chercher la raison, si belle est la coutume, car cette poésie partage avec tout ce qui est impérissable le fait qu'on éprouve de l'inclination pour elle, qu'on le veuille ou non. Du reste on remarque aisément qu'elle s'est maintenue seulement là où existe une vive sensibilité à la poésie ou une imagination que n'ont pas encore éteinte les perversions de la vie. En ce sens, nous ne voulons pas faire ici l'éloge des contes ou les défendre contre une opinion adverse : leur seule existence suffit à les protéger. […] Parce que cette poésie est si proche de la vie primitive, la plus
simple, elle s'est diffusée de manière universelle ; car il n'est guère
de peuple qui en soit totalement démuni. Même les nègres d'Afrique
occidentale amusent leurs enfants par ces histoires, et Strabon le dit
expressément des Grecs. (On trouvera ce témoignage à la fin, à côté
d'autres qui prouvent à quel point ceux qui savent la valeur d'une telle
voix parlant immédiatement au cœur ont estimé de tels contes). Nous nous sommes efforcés de saisir ces contes dans toute leur pureté, là où c'était possible ; dans plusieurs d'entre eux, on trouvera parfois la narration interrompue par des rimes et des vers qui parfois même présentent des allitérations en allemand, mais ne sont jamais chantés quand on les raconte, et ce sont précisément les plus anciens et les meilleurs. Nous aurions crainte d'ajouter, à ces légendes si riches par elles-mêmes, leurs propres analogies ou réminiscences, car il est impossible de les inventer. Dans ce sens, il n'existe encore aucun recueil en Allemagne ; on a presque toujours utilisé les contes comme matière pour en faire des histoires plus vastes qui, arbitrairement élargies, modifiées, et quelle que fût leur valeur, ont arraché aux mains des enfants ce qui leur appartenait sans rien leur donner en échange. Même celui qui pensait à eux ne pouvait pourtant s'empêcher d'y mêler des tournures empruntées à la poésie du temps ; presque toujours, celui qui les recueillait manquait de rigueur et quelques contes, recueillis par hasard, ont été aussitôt communiqués. Si nous avions eu la chance de pouvoir les raconter dans un dialecte déterminé, ils y auraient beaucoup gagné, à n'en pas douter. C'est un cas où toute la culture acquise, toute la finesse et tout l'art de la langue sont détruits, et où l'on sent qu'une langue écrite épurée, si adroite soit-elle par ailleurs, est devenue plus claire et plus transparente, mais aussi moins savoureuse, et n'épouse plus aussi étroitement le noyau. Extrait de la préface des Contes d'enfants et du foyer, première édition, 1812.
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