Cendrillon au cinéma 

Décors et costumes chatoyants, machinerie d’effets spéciaux et apothéose finale, la féerie est comme chez elle au cinéma. Dès les débuts du 7e art, fleurissent de belles adaptations des contes de fées. Réalisée en 1899, la Cendrillon de Méliès est son premier film dépassant les 100 mètres (six minutes). Il est fidèle au conte au Perrault, auquel il ajoute néanmoins la scène du mariage de Cendrillon avec le prince. En 1907-1908, les studios Pathé s’essaient à des fictions plus longues, plus cohérentes qu’auparavant, sans s’émanciper encore des genres anciens. Ainsi en quelques mois, Pathé produit six belles adaptations de contes français, dont une Cendrillon, d’un métrage assez important pour l’époque (un quart d’heure environ).
En 1925, la présentation française du Cendrillon de Ludwig Berger est empreinte d’une gêne révélatrice : "Ce n’est pas un conte de fées, mais une merveilleuse histoire d’amour. […] Il fut un temps où l’on eût crié à la magie pour des faits qui nous paraissent aujourd’hui les plus simples du monde : l’étrange pouvoir de Dame Gertrude dont nous allons faire la connaissance ne résultait peut-être que d’une formule très scientifique qu’elle avait découverte."

   

   

Le cinéma éliminent les effets de réel incontrôlés pour donner au conte une incarnation à la fois pleinement concrète et totalement idéale. Ces mises en scène très contrôlées sont d’autant plus remarquables qu’elles ne cherchent pas à manipuler le public par des effets dramatiques forts comme le suspense ou la surprise – auxquels Disney en revanche recourt volontiers. Dans une position analogue à celle du lecteur du conte de Perrault ou de Grimm, le spectateur est libre de laisser se creuser en lui le pouvoir poétique des images.
Réconcilier le mode d’expression moderne par excellence avec les contes prend définitivement figure de gageure. De Cendrillon de Paris d’Alberto Cavalcanti à Cinderfella de Jerry Lewis, quantité de parodies et de transpositions ont joué efficacement de cet écart à notre époque.
  

Chez Walt Disney, le reformatage des contes aux normes du spectacle familial et des valeurs dominantes est de règle. Sa Cendrillon fait l’éloge des vertus domestiques : la qualité des héroïnes semble se mesurer à la bonne grâce qu’elles mettent dans les tâches ménagères. Le père de l’héroïne meurt avant que la marâtre ne révèle sa méchanceté, ce qui supprime tous les sous-entendus du conte de Grimm sur la faiblesse de cet homme. Et le traitement anthropomorphique des animaux (en particulier des souris, en guerre avec un chat démoniaque), aussi réussi et amusant qu’il soit, banalise l’alliance surnaturelle de la jeune fille avec des colombes dans le conte.