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Si l'intertextualité est fondatrice de la
littérature, c'est à la fin des années soixante qu'elle devient une notion
fondamentale dans l'analyse littéraire, comme le soulignent ces quatre
définitions :
– "[…] tout texte se construit comme mosaïque
de citations, tout texte est absorption et transformation d'un autre texte.
A la place de la notion d'intersubjectivité s'installe celle d'intertextualité,
et le langage poétique se lit, au moins, comme double."
Julia Kristeva, "Bakhtine, le mot, le dialogue et le roman", Critique,
avril 1967.
– "Tout texte est un intertexte ; d'autres
textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes
plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et
ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations
révolues. […] L'intertexte est un champ général de formules anonymes,
dont l'origine est rarement repérable, de citations inconscientes ou automatiques,
données sans guillemets."
Roland Barthes, article "Texte (théorie du)", Encyclopaedia universalis,
1973.
– "L'intertextualité est la perception par
le lecteur de rapports entre une œuvre et d'autres, qui l'ont précédée
ou suivie. Ces autres œuvres constituent l'intertexte de la première."
Michaël Riffaterre, "La trace de l'intertexte", La Pensée, n°215,
octobre 1980.
– "Je définis [l'intertextualité], pour
ma part, de manière sans doute restrictive, par une relation de coprésence
entre deux ou plusieurs textes, c'est-à-dire […] par la présence effective
d'un texte dans un autre." Gérard Genette, Palimpsestes, 1982.
A partir de ces définitions de théoriciens, créer, à la manière d'un dictionnaire,
une définition de l'intertextualité.
La Cigale et
la fourmi, manipulations diverses
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La cigale et les fourmis
On était en hiver et les fourmis faisaient
sécher leur grain que la pluie avait mouillé. Une cigale affamée leur
demanda de quoi manger. Mais les fourmis lui dirent : "Pourquoi n'as-tu
pas, toi aussi, amassé des provisions durant l'été ? - Je n'en ai pas
eu le temps, répondit la cigale, cet été je musiquais. - Eh bien, après
la flûte de l'été, la danse de l'hiver", conclurent les fourmis. Et elles
éclatèrent de rire.
Esope
(VIIe-Ve siècle avant J.-C.), Fables,
traduction de Claude Terreaux, Arléa, 1994.
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La
cigale et la fourmi
La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant."
Jean
de La Fontaine, Fables, 1668.
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La
cimaise et la fraction
La cimaise ayant chaponné
tout l'éternueur
se tuba fort dépurative quand la bixacée fut verdie :
pas un sexué pétrographique morio de mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu'à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite ! interlocutoire et priodonte."
La fraction n'est pas prévisible :
c'est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? J'en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."
Raymond
Queneau, Oulipo, La littérature potentielle, 1973.
Queneau
applique ici la méthode S+7 : il remplace les noms, adjectifs et verbes
de La Cigale et la fourmi par la septième mot - de la même catégorie grammaticale
- qu'il trouve dans le dictionnaire après celui à modifier.
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La
cigale et la fourmi
C'était verl'hi. Il
avait génei et le vent flaitsouf. La tetipe legaci taitlotgre. Elle n'avait
rien géman depuis deux jours. "Je vais aller voir ma nesivoi", se dit-elle.
Elle frappa à la tepor de la nettesonmai. "Jourbon, medaMa la mifour",
dit-elle. "Jourbon", répondit la mifour. "Pourriez-vous, damande la legaci,
me terprê du grain ?" La mifour n'était pas seteuprê. Elle fit la cemagri.
"Que faisiez-vous donc, l'été nierder, pendant que j'étais au vailtra
?" damande-t-elle d'un air chantmé. "Je taischan de jolies sonschan dans
le gelafeuil des bresar", dit la legaci. "Vous tiezchan ?" fit la mifour.
"Eh bien nanttemain, sezdan" ! Elle rentra dans sa nettesonmai et laissa
la pauvre legaci horsde. C'est très tetris !
Yak
Rivais, Les contes du miroir, 1988.
Fable écrite en verlan (interversion des syllabes d'un mot).
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