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La Résurrection de Lazare

Livre d’heures à l’usage de Rome
La Résurrection de Lazare
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Les neuf miniatures de ce manuscrit, qui en comportait primitivement treize, sont, avec un autre livre d’heures acquis en 2001 par la Bibliothèque royale de Belgique (Bruxelles, KBR, ms. IV 1290), une addition récente et significative à l’oeuvre de l’une des figures les plus attachantes de l’enluminure des Pays- Bas méridionaux à l’apogée de la puissance bourguignonne, le présumé Jean Le Tavernier. Issu d’une importante famille d’artistes d’Audenarde (son père Jacob, dit aussi Coppin, était lui aussi enlumineur), celui-ci est documenté dans cette ville de 1450 à 1460, son nom étant mentionné dans la comptabilité ducale bourguignonne à propos de l’exécution de deux importants manuscrits, le Livre d’heures de Philippe le Bon de la Bibliothèque royale de La Haye (ms. 76 F 2) et les Conquestes et croniques de Charlemaine (Bruxelles, KBR, mss 9066, 9067 et 9068). Ces derniers ont permis d’identifier son style très personnel dans plusieurs autres manuscrits enluminés pour le duc. Aucune oeuvre actuellement rattachée à l’activité de Jean Le Tavernier ne semblant antérieure à 1450, on a récemment remis en question son identité avec l’enlumineur du même nom qui fut enregistré à la corporation des peintres et peintres verriers de Tournai en 1434 et dont l’activité est encore attestée dans cette ville en 1440 (Verroken 2006). Il n’en reste pas moins que les oeuvres documentées de l’artiste d’Audenarde et celles qui lui sont attribuées attestent de la profonde imprégnation de son oeuvre par la culture picturale des deux figures majeures du centre tournaisien, Robert Campin et son satellite Jacques Daret.
Si l’on excepte le missel conservé à l’Archivio capitolare de la cathédrale de Mondovi et la Cité de Dieu de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (ms. 523), on ne connaissait à peu près exclusivement jusqu’ici de l’artiste que sa production en quelque sorte « officielle », les grands manuscrits d’apparat peints entre les années 1450 et 1460 pour le duc Philippe le Bon. À ceux-ci viennent s’ajouter désormais quelques spécimens de livres destinés à des commanditaires de rang plus modeste, tous des livres d’heures, une catégorie de manuscrit extrêmement répandue au xve siècle et qui fit les beaux jours des libraires et des artistes appelés à les illustrer. Celui qui est présenté ici est particulièrement soigné pour une production « commerciale » ; pourtant aucun indice ne nous renseigne sur un ou une destinataire, ni armoiries, ni ex-libris manuscrit. L’usage adopté pour les heures de la Vierge est celui de Rome, mais l’office des morts se conforme à l’usage du diocèse de Thérouanne. Quant à la succession des offices et des prières, elle est classique, pour ne pas dire banale, et ne présente aucune particularité notable, si ce n’est la position des heures de la Croix et du Saint-Esprit en tête du recueil, habituelle dans les livres d’heures produits dans les Pays-Bas méridionaux. Relèvent également de la tradition régionale la distribution particulière et le choix des scènes illustrant l’office de la Vierge : ici l’Annonce aux bergers précède la Nativité, la Présentation au Temple vient avant l’Adoration des Mages et le cycle s’achève avec une dramatique scène du Massacre des Innocents. Traditionnellement encore, la Résurrection de Lazare (f. 107) illustre l’office des morts. Dans cette dernière scène, l’artiste révèle son remarquable talent narratif et son habileté à distribuer les personnages dans l’espace : à l’intérieur d’un cimetière délimité par une palissade, une multitude de petits personnages aux yeux vifs et aux attitudes expressives fait cercle autour du défunt que le Christ vient de ramener à la vie. Au premier plan, les soeurs de Lazare manifestent leur joie étonnée, l’une d’elles, très « flémallienne », étant représentée de dos. Traité d’un pinceau rapide et nerveux, ce tableau témoigne également des qualités de coloriste de Le Tavernier, que le goût du prince contraindra par la suite à utiliser la technique de la grisaille. Les belles acanthes charnues des encadrements sont probablement de la main de l’artiste et présentent la même gamme colorée que ses miniatures. Certainement contemporaines de celles de la Cité de Dieu de Strasbourg et des deux peintures exécutées par Le Tavernier dans le bréviaire de Philippe le Bon (Bruxelles, KBR, ms. 9511, f. 15 et 43 vo), les illustrations de ce livre d’heures doivent probablement se placer au début de la carrière de l’enlumineur, aux alentours de 1450.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    vers 1450
  • Lieu
    Audenarde (?)
  • Auteur(es)
    Jean Le Tavernier, enlumineur
  • Provenance

    Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss, NAL 3225, f. 107

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm124200283v