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Double page partagée entre le Maître d’Édouard IV (fol. 48v.) et Jean Le Tavernier (fol. 49)

Miroir de la salvation humaine
Double page partagée entre le Maître d’Édouard IV (fol. 48v.) et Jean Le Tavernier (fol. 49)
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Selon le principe du Speculum humanae salvationis, l’histoire biblique est contée de façon typologique, c’est-à-dire par images associées, celle de droite présentant un sujet de l’Ancien Testament qui passe pour la préfiguration de l’épisode de gauche. Chaque page est illustrée et les doubles pages offrent par conséquent un bandeau de quatre images. Le volume se termine par les sept stations de la passion du Christ, les sept douleurs et les sept joies de Marie (fol. 44v.-50), puis par la table illustrée avec l’image du traducteur (fol. 50v.). Le prologue livre le nom du traducteur, Jean Miélot, et la date de la traduction, 1449, mais indique de façon erronée pour auteur Vincent de Beauvais (fol. 2). On sait aussi, par la minute originale de 1449, conservée à Bruxelles (KBR, ms. 9249-50), que cette traduction du Speculum fut commandée par Philippe le Bon. L’exemplaire de la Bibliothèque nationale de France a été entièrement transcrit par Miélot, qui l’a certainement copié à une époque où il était au service de Philippe le Bon. Le manuscrit ne comporte cependant pas de marque de propriété et ne figure pas dans l’inventaire de la bibliothèque ducale. On ne peut tout à fait exclure que Miélot ait produit cet exemplaire de sa propre initiative et qu’il l’ait gardé par devers lui, attendant les occasions de le faire illustrer ou d’en tirer quelque profit. Ceci pourrait expliquer le parcours erratique du manuscrit, du vivant de Miélot comme après sa mort, qui survint en 1472.
Trois artistes sont intervenus, de façon inégale, à des périodes et probablement en des lieux différents, pour réaliser les cent quatre-vingt-seize miniatures. La majeure partie est due au Maître d’Édouard IV, qui intervint dès le prologue et réalisa cent quatre-vingt-huit petites miniatures, sans doute vers 1480-1490. Antérieur d’une dizaine d’années, le frontispice à mipage où Dieu le Père remet trois flèches à la Mort est imputable à Loyset Liédet. Ces deux interventions avaient été précédées d’une autre campagne picturale puisque Jean Le Tavernier, qui enlumina de nombreux ouvrages de Miélot pour Philippe le Bon, fut le premier illustrateur du manuscrit, il est vrai de façon fort limitée. L’Audenardais ne peignit en effet que sept miniatures sur deux feuillets à la fin du dernier cahier (fol. 49-50). Cette façon d’entamer l’illustration par la fin de l’ouvrage, de manière presque ciblée, ne manque pas d’étonner. La mort de l’artiste, en 1462, l’empêcha peut-être de boucler tout le cycle.
L’homme qui fit achever le manuscrit est figuré à plusieurs reprises en prière (fol. 44v.-48v.), exhibant sur quelques images une Toison d’or (fol. 45, 47-48v.). Selon Hanno Wijsman, il s’agirait de Baudouin de Lannoy (vers 1436-1501), dont plusieurs possessions se situaient dans la région de Tournai et de Lille, qui fut conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, premier maître d’hôtel de Marie de Bourgogne et premier valet de chambre de Philippe le Beau et qui fit son entrée dans l’ordre de la Toison d’or en 1481. Ce bibliophile sollicita à plusieurs reprises le Maître d’Édouard IV (Valenciennes, BM, ms. 230 ; Vienne, ÖNB, ms. 1576 ; Paris, BnF, Ars., mss 5205-5206). L’artiste figura son commanditaire dans l’Imitation de Jésus-Christ (Vienne, ÖNB, ms. 1576, fol. 45v.) et les deux physionomies, d’un manuscrit à l’autre, sont compatibles. Il n’est pas indifférent de noter que Baudouin, comme son père, fut gouverneur du bailliage de Lille et que son frère fut chanoine de la collégiale Saint-Pierre, où Miélot était actif quelques années plus tôt. Probablement estce dans le contexte lillois que le manuscrit fut acquis. Notons aussi, mais peut-être est-ce trop prêter à Lille, que Liédet s’installa dans la ville sur ses vieux jours et que sa miniature semble plutôt relever de sa veine tardive. Enfin, l’influence du Maître d’Édouard IV sur l’enluminure lilloise a été récemment montrée par Dominique Vanwijnsberghe.
La double page des sept joies de la Vierge offre l’occasion d’une rare confrontation. Sur le feuillet de droite (fol. 49), Jean Le Tavernier a peint la Visitation et la Nativité dans des tons pastel aux nuances délicates. Ces images vivantes et d’une grande finesse en évoquent d’autres : la Visitation est très proche de celle d’un livre d’heures de Paris (BnF, Mss, NAL 3225) et la présence de la bonne sage-femme, dans la Nativité, témoigne d’un motif campinien que Le Tavernier adopta ailleurs (Bruxelles, KBR, ms. 9511). Le Maître d’Édouard IV est l’auteur des deux miniatures du feuillet de gauche (fol. 48v.) à la matière picturale plus chargée et qui présentent des physionomies plus typées. L’image de la Vierge à l’Enfant au chevet d’un prêtre côtoie celle où elle apparaît au commanditaire en prière (Baudouin de Lannoy ? )

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Audenarde (?), vers 1450-1460 et Bruges ou Lille (?), vers 1470 et vers 1480-1490
  • Auteur(es)
    Jean Le Tavernier, enlumineur
  • Description technique
    Parchemin, 54 fol., environ 417 × 300 mm, 196 miniatures
    Provenance : Baudouin de Lannoy (?)
  • Provenance

    Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss, Français 6275, fol. 48v.-49

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1242002902