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Antoine, déclaré ennemi de Rome, s’alliant à Octave pour venger la mort de César

Jean Mansel, Histoires romaines
Antoine, déclaré ennemi de Rome, s’alliant à Octave pour venger la mort de César
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Les Histoires romaines impressionnent par la dimension de leurs miniatures (environ 158/214 × 180 mm), véritables petits tableaux d’histoire, et par la luxuriance des marges ornées dont un détail, unique alors dans l’enluminure, frappe le regard : les yeux de certains animaux brillent d’un éclat particulier fait d’un petit point blanc sur la pupille. Le réalisme poussé de ces figures animalières se retrouve sur le frontispice des Grandes Chroniques de France dû à Simon Marmion (1458, Saint-Pétersbourg, GPB, ms. Erm. Français 88) et dans plusieurs manuscrits attribués au Maître de Rambures. C’est précisément pour ce dernier que Liédet sous-traita cinq histoires du présent volume, sans que la comptabilité ducale en fît état. Le style pleinement constitué du Maître de Rambures exprime une maîtrise dans la composition et une sûreté de trait qui étonnent pour un artiste dont aucune œuvre antérieure n’est connue. Ses peintures tranchent si radicalement sur celles de Liédet, enlumineur de métier encore attaché à la narration additive, mise à l’honneur par le Maître de Mansel, que l’on peut s’interroger sur les raisons qui ont présidé au choix d’un tel artiste.
Son langage pictural permet de le reconnaître immédiatement, comme au folio 288 illustrant l’alliance d’Antoine, déclaré ennemi de Rome (1er plan), avec Octave pour venger la mort de César (2e plan). Ses personnages, aux attitudes expressives, parfois caricaturales, ont un canon court et trapu, des têtes assez grosses à l’aspect étrangement mongoloïde. Les drapés géométrisés, aux plis très cassés, sont traités à grands traits simplifiés, où dominent les parallèles et les obliques. Ce caractère, qui ira en s’accentuant dans les œuvres plus tardives, l’éloigne d’un art flamand dans lequel il puisera pourtant nombre de motifs iconographiques. Dans sa palette dominent trois couleurs fondamentales, un rouge éteint, un azur soutenu et un vert mat, complétées de mauve, de lie-devin et d’une gamme de gris, de bruns, dont l’un tirant sur le bronze doré, et de rehauts d’or liquide, en filets ou hachures. Travaillant par larges aplats, en ignorant les tons rompus, l’artiste superpose deux couleurs directement sur le parchemin pour en créer une troisième, inimitable parce que non préparée au bol. Dans ses compositions savantes, où le peintre s’attache à l’essentiel, l’action se concentre en un premier plan privilégié par l’échelle monumentale des architectures ou des figures. Les plans éloignés plongent ensuite au lieu de grimper traditionnellement en rideaux. Enfin, sa manière de brosser les ciels est unique : une bande horizontale d’un bleu clair presque blanc est surmontée d’une seconde bande d’azur foncé, rarement uniforme, striée de blanc et de nuages ballonnés, gravés à la pointe du pinceau retourné. En définitive, le Maître de Rambures est déjà moderne par sa façon quasi cinématographique de privilégier les gros plans et le hors-champ pour exprimer la continuité du récit au-delà du cadre étroit de la miniature traditionnelle (fol. 257-334v.). Cela s’exprimera au mieux dans les peintures du troisième tome des Histoires des nobles princes de Hainaut, exécutées vers 1470 pour Jean V de Créquy, conseiller et chambellan de Philippe le Bon.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1454 - 1460
  • Lieu
    Hesdin et Amiens (?)
  • Auteur(es)
    Le Maître de Rambures, enlumineur
  • Description technique
    Parchemin, 345 fol., 402 × 290 mm ; 24 miniatures
    Provenance : Philippe le Bon
  • Provenance

    Paris, Bibliothèque nationale de France, Ars., ms. 5088, fol. 288

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1242003958