Guillaume Jouvenel des Ursins (1401-1472), chancelier de France

Tableau de Jean Fouquet, vers 1460-1465
Bois (chêne) aminci et parqueté au revers. Dimensions : 96 x 73,2 cm
Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Inv. 9619 © photo RMN



Le portrait de cet éminent personnage, nommé chancelier de France en 1445 par Charles VII et maintenu à cette charge par Louis XI, après une brève mise à l'écart, n'a été attribué à Fouquet que dans les années 1860.

Contrairement au portrait de Charles VII, l'effigie de Guillaume Jouvenel des Ursins n'a pas été conçue comme un tableau isolé : en dépit de l'absence de traces de charnières, du fait de l'amincissement du panneau et du sciage du bord senestre, il ne fait pas de doute qu'elle appartenait à un ensemble plus complexe. L'attitude d'oraison du modèle, résolument tourné vers la droite, et le regard orienté dans la même direction sous-entendent l'existence d'un sujet de dévotion, vraisemblablement une Vierge à l'Enfant.

L'identification du modèle est confirmée par les allusions héraldiques et emblématiques dont fourmille le luxueux décor architectural de l'arrière-plan, que le chancelier, fier de l'étonnante ascension de sa famille et de sa réussite personnelle, s'est plu à exposer de manière foisonnante sur toutes les œuvres qu'il a commandées.

Il fit faire son portrait par Fouquet. Le tableau est aujourd'hui conservé au musée du Louvre tandis qu'un dessin préparatoire de la tête est conservé au musée de Berlin.
Le dessin utilise plusieurs pierres de couleurs, pierre noire avec des rehauts de blanc, rouge-brun et jaune-brun, sur un papier préparé gris-bleu. En très peu de traits, et avec une très grande économie de moyens et une grande sobriété, Fouquet fait surgir la tête du fond, apparaître le visage ridé, le menton flasque. La tête est placée de trois quarts, presque de profil. Le cou apparaît large et puissant. Le nez est mis en place d'un seul trait dessinant l'arrondi du nez et le creux de la narine.

Le portrait définitif présente Guillaume Jouvenel en donateur. On ignore la destination du tableau daté approximativement de 1460. Le tableau donne le sentiment que le dessin a été encore simplifié. La lumière frappant le côté en vue du visage intensifie ce sentiment de simplification, alors qu'un effet de contre-jour aurait contribué à contraster le modelé du visage.
Passant du dessin au tableau, Fouquet passe du portrait intime à la représentation sociale, de l'individu au personnage. La mise en scène laissant voir le personnage aux trois quarts de sa hauteur, l'ampleur des épaules, les éléments du décor… tout concourt à donner au modèle sa noblesse. Le décor du fond est particulièrement significatif. Le visage se détache sur un fond noir encadré d'or, comme un tableau dans le tableau. Ce décor contribue à définir l'importance sociale du personnage et fait partie intégrante du portrait.

Cette conception du portrait d'un individu comme représentant d'un groupe social ne se répandra qu'au XVIe siècle. Fouquet en cela fait figure de précurseur.