Cette miniature appartient à la catégorie
des "portraits d'auteurs". L'auteur du texte, Salluste, assis
sous une architecture, écrit son œuvre. À cette composition
classique, l'enlumineur a ajouté plusieurs éléments
inhabituels, dont la signification n'est pas fournie par le contexte
et nous échapperait en partie aujourd'hui si la description détaillée,
qui a servi à exécuter la miniature, n'avait été
conservée :
"soyt fait et pourtrait ung homme à grant barbe fourchue
qui aura en sa teste une coiffe blanche comme l'on souloit porter. Et
sera assis en une chaière qui sera bien édifiée
et devant soi aura la tablette sur laquelle il fera semblant de escrire
et tout ce qu'il appartient à un escripvain quant il est en sa
chaière pour escripre. Et sera ledit escripvain vestu d'une cotte
vermeille ou d'aultre couleur; à bas colet et fendue par devant
en telle manière que l'on puisse veoir par hault et bas sa cotte
de maille, et si aura son harnois de jambes et esperons dorez chaussiez.
Et au dehors de la maçonnerie de sa chaière aura son escurer
ou varlet arqué monté sur un cheval grison à harnaiz
doré, une archegaye [javelotJ à un pennon en sa main senestre
et de l'aultre main tenra ledit escuie le cheval de son maistre à
harnaiz doré, duquel cheval en ne verra que la moitié
de devant pour ce que l'autre moitié sera couverte ou mussée
{cachée] de ladite chaière, en signifiant que le dit homme
escripvant sera descendu de chevalerie à l'estude, et sera ledit
varlet cum dit est en une belle plaine ou aura herbes et arbres de diverses
façons et au seurplus sera la champaigne de l'istoire par en
haut faicte gracieusement".
Cette description fait partie d'un programme très détaillé
destiné à servir à l'illustration du De conjuratione
Catilinae et du De bello jugurthino de Salluste, programme
conçu et rédigé au début du XVe
siècle par l'humaniste parisien Jean Lebègue, dont les
prescriptions ont été suivies à la lettre dans
un manuscrit de la Bibliothèque publique et universitaire de
Genève. Imbu de culture classique et collectionneur averti en
matière de manuscrits, Lebègue s'est également
intéressé aux questions de technique picturale. On lui
doit une précieuse compilation de traités sur la fabrication
des couleurs (BnF, Latin 6741).
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