La Vierge et l'Enfant entourés d'anges |
Tableau de Jean
Fouquet, vers 1452-1455 (diptyque
de Melun, volet droit) |
Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Inv. 132 © IRPA-KIK, Bruxelles |
Les diverses composantes du tableau sont visiblement régies
par un canevas géométrique précis, dont les lignes
de force sont apparentes dans la forme triangulaire du groupe central,
bien soulignée à gauche par la ligne oblique du manteau.
La frontalité de la composition est soulignée par l'écran
rigoureusement parallèle au plan de l'image que constitue le
trône, mais aussi par la disposition de trois des chérubins,
l'un d'eux, au-dessus de l'Enfant, regardant droit vers le spectateur,
tandis qu'un autre, au premier plan à gauche, est représenté
strictement de profil. On a souligné maintes fois l'espèce d'érotisme
glacé dégagé par le volet droit de cet étrange
tableau. Le fait que le peintre ait représenté la Vierge
sous les traits d'une maîtresse royale a pu choquer. Les mobiles
qui ont conduit à ce choix nous échappent encore aujourd'hui.
Il fallait qu'ils fussent bien puissants et qu'ils aient eu l'approbation
du roi, pour qu'un homme avisé et prudent comme l'était
le trésorier de France ait osé braver l'opinion dans un
lieu sacré et public en se faisant représenter en prière
devant l'effigie de la belle Agnès transformée en Vierge
Marie. Car c'est bien Agnès Sorel qu'il faut reconnaître,
à n'en pas douter, dans le tableau d'Anvers, cette Agnès
dont bien des témoignages du temps ont célébré
la beauté et, mieux que la beauté, le charme et l'influence
bénéfique qu'elle exerça sur Charles VII. Son grand
front dégagé, son nez droit et pointu, sa bouche petite,
sa fossette au menton, se retrouvent identiques dans son tombeau de
Loches et plus encore dans les portraits dessinés de la "dame
de Beauté" qui circulèrent à partir du règne
de François Ier. Le type de la Vierge du diptyque de Melun dut être très
tôt célèbre. Le plus souvent, les dérivations
suscitées par le panneau d'Anvers ont dû être élaborées
à partir de carnets de dessins et peut-être de variantes
créées par Fouquet lui-même ou dans son atelier. |